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Benjamin Netanyahu doit-il durcir l'opération militaire contre le Hamas, après l'assassinat de trois Israéliens à Hébron?
Éli Barnavi : Non. Même si les assassins viennent des rangs du Hamas, ils ont apparemment agi de leur propre chef, ou sous l'autorité de chefaillons locaux. La série d'attaques aériennes contre la bande de Gaza répond à une autre logique: arrêter les tirs ininterrompus de roquettes en provenance de ce territoire. Le Hamas ne souhaite probablement pas l'escalade, mais en testant les limites de la patience israélienne il joue avec le feu. D'autant que l'organisation islamiste est très affaiblie stratégiquement et à sec financièrement. Benjamin Netanyahu a gradué la riposte de l'armée pour ne pas se laisser entraîner dans une opération terrestre. On sait comment on entre à Gaza, mais jamais quand on peut en sortir. Mais il est soumis à une forte pression de la droite extrême de son gouvernement, comme à l'impatience croissante de l'opinion. Nous saurons très vite si la médiation des services de renseignements égyptiens, qui gardent une capacité d'influence sur le Hamas, réussira à calmer le jeu. Mais si une roquette fait des victimes, ce sera la guerre.
Au-delà de la colère des Palestiniens après la mort d'un jeune de 15 ans, tué par vengeance après le triple assassinat d'Hébron, les Arabes israéliens manifestent violemment, ce qui est plus nouveau. Faut-il craindre une révolte de leur part?
Non. Certes, il y a eu de violentes manifestations, et la tension reste vive. Comme en octobre 2000, au début de la seconde Intifada, un événement survenu dans les Territoires occupés a embrasé l'opinion arabe israélienne, la jeunesse surtout - expression de solidarité avec les frères de Cisjordanie, mais aussi de la rancœur accumulée contre un État dont ils sont citoyens, mais de seconde zone. Cependant, contrairement à ce qui s'était passé à l'époque, cette fois, la police a fait preuve de retenue et il n'y a pas eu de bavures. C'est la raison pour laquelle la colère des Arabes israéliens devrait s'apaiser. Jusqu'à la prochaine fois…
Peut-on éviter la solution d'un seul État, après cette flambée de violence qui intervient quelques semaines après l'échec de la mission Kerry pour relancer le processus de paix?
John Kerry s'y est fort mal pris tout au long de ses huit mois d'une navette pathétique. Sa seule chance de réussite était de poser un plan américain sur la table et de presser les parties à l'endosser. La paix sera imposée de l'extérieur ou ne sera pas. Il ne l'a pas fait pour des raisons qui tiennent aux pesanteurs de la politique intérieure américaine et à la grande lassitude d'une hyperpuissance exténuée par deux guerres sans objet et tentée par une nouvelle phase d'isolationnisme. Il nous faudrait une sorte d'Obama républicain, qui allie l'intelligence de la situation, la volonté de l'action et la liberté de manœuvre. En 1991, le couple George Bush Senior- James Baker s'était rapproché de cet idéal. Il a suffi qu'il brandisse la menace d'une suspension des garanties bancaires nécessaires à l'intégration des juifs de l'Union soviétique pour amener Yitzhak Shamir à la conférence de Madrid. Aujourd'hui, il suffirait que Washington fasse savoir qu'il n'opposerait plus systématiquement son veto au Conseil de sécurité. Croyez-moi, les Israéliens, qui d'ailleurs sont prêts - tous les sondages le prouvent - à une solution raisonnable, ne pardonneront jamais à leurs dirigeants de les couper de leur seul allié. Cela dit, la solution d'un seul État est un mythe. Un tel État n'existera jamais, mes compatriotes n'en veulent pas. À juste titre: démocratique, il ne serait plus juif ; pas démocratique, il conduirait à l'apartheid et à la guerre civile. Dans les deux cas, ce serait la fin d'Israël… Lire la suite.