Tribune
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Publié le 25 Février 2015

«Prévenir l’extrémisme violent»

Les attentats terroristes récemment commis en France, au Nigéria, en Syrie et en Irak mettent en lumière la grave menace que constituent les groupes et les idéologies extrémistes.
 

Par Ban Ki-moon, Sécretaire général des Nations-Unies, publié dans le Monde le 24 février 2015
Faire face à l’immense défi que représente l’extrémisme violent de manière à régler le problème et non à l’envenimer est sans doute l’une des plus grandes difficultés que doit surmonter l’humanité en ce XXIe siècle.
Les attentats terroristes récemment commis en France, au Nigéria, en Syrie et en Irak mettent en lumière la grave menace que constituent les groupes et les idéologies extrémistes. Pour provoquer et diviser, Daesh (Daesh), Boko Haram et d’autres groupes déploient délibérément une stratégie de « choc effroyable » alliant décapitations, incendies, films mettant en scène des actes de torture et autres atrocités.
Les victimes sont aussi diverses que l’humanité. Mais nous devons admettre qu’en grande majorité, ce sont des Musulmans, aux prises avec diverses situations de conflit, de troubles et de détresse. De plus, les femmes et les filles, surtout celles qui appartiennent à des minorités, sont brutalement et systématiquement ciblées. Enlèvements, viols, mariages forcés, esclavage sexuel et autres traitements effroyables sont les manifestations les plus visibles de l’horreur qu’elles vivent. Mais les femmes sont aussi privées de tous leurs droits fondamentaux : le droit à l’éducation, le droit de bénéficier de soins de santé et d’autres services, et le droit de participer à la vie publique.
Aucune cause, aucune revendication ne saurait justifier de tels crimes. Nous devons tout faire pour neutraliser cette menace. Pour cela, nous devons agir concrètement et de façon décisive. Mais nous devons aussi éviter certains écueils. Des années d’expérience ont montré que les politiques myopes, l’absence de leadership digne de ce nom et le mépris des droits de l’homme suscitent une frustration et une colère immenses. Nous n’avancerons jamais sur la bonne voie si nous ne sommes pas guidés par des principes moraux. Nous devons faire preuve de sang-froid et de sens commun. Nous ne devons jamais laisser la peur triompher.
Quatre impératifs
À mon sens, les efforts que nous déployons ensemble pour faire face à l’extrémisme violent et protéger les populations doivent obéir à quatre impératifs.
Premièrement, nous devons prendre le mal à la racine. Certes, il est très difficile de déterminer ce qui motive l’extrémisme. Mais nous savons que les idéologies toxiques ne viennent pas de nulle part. L’oppression, la corruption et l’injustice nourrissent le ressentiment. Les dirigeants extrémistes cultivent l’aliénation. Eux-mêmes sont des imposteurs : des criminels, des gangsters, des voyous dont la position se situe à l’extrême périphérie des religions qu’ils affirment représenter. Ils prennent pour proie des jeunes marginalisés, sans emploi, qui n’ont même pas le sentiment d’être chez eux là où ils sont nés. Et ils exploitent les réseaux sociaux pour recruter et propager la terreur comme un virus. Les extrémistes ont une stratégie de haine. Nous devons avoir une stratégie d’harmonie, d’intégration véritable et de paix.
Deuxièmement, la prévention de l’extrémisme violent et la promotion des droits de l’homme doivent aller main dans la main. Combien de fois ne l’avons-nous pas constaté : les meilleurs arguments de recrutement des extrémistes sont les mesures prises contre eux. Trop souvent, les stratégies de lutte contre le terrorisme méconnaissent le droit à une procédure régulière et le principe de la primauté du droit. Des définitions trop générales du terrorisme sont utilisées pour réprimer l’action légitime de groupes d’opposition, d’organisations de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme. Les gouvernements ne doivent pas prendre prétexte de la lutte contre l’extrémisme pour attaquer ceux qui les critiquent. Les extrémistes font tout pour susciter des réactions excessives. Ne tombons pas dans le panneau.
Troisièmement, la prévention de l’extrémisme violent requiert une gamme diversifiée de moyens d’action. Les opérations militaires sont cruciales en cas de menace réelle. Mais les balles ne règlent pas tout. Avec des missiles, on peut tuer des terroristes. Mais c’est avec la bonne gouvernance que l’on tue le terrorisme. Le respect des droits de l’homme, la création d’institutions soumises au principe de responsabilité, la fourniture de services sur une base équitable et la participation politique sont parmi nos armes les plus puissantes. Nous devons enseigner la compassion, l’empathie et le respect de la diversité à nos enfants. L’enseignement dispensé à l’école et l’éducation dispensée à la maison vont façonner la pensée des générations futures.
Quatrièmement, la prévention de l’extrémisme violent est une affaire mondiale. L’extrémisme violent n’est pas une question qui oppose le Nord et le Sud ou l’Est et l’Ouest. Il n’est pas limité à telle région ou telle religion. Il n’a que faire des frontières et se retrouve partout dans le monde. Aucun pays, aucun organisme ne peut vaincre le terrorisme et l’extrémisme à lui seul. Tous les pays, ainsi que les organisations régionales et internationales, les dirigeants politiques, les chefs religieux et les responsables du monde académique et de la société civile, doivent unir leurs forces pour élaborer un programme complexe qui soit conforme au droit international des droits de l’homme et au droit international humanitaire… Lire l’intégralité.