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Ce préambule pour dire dans quel état d'esprit, le Juif religieux a appréhendé, depuis trois millénaires, son devoir à l'égard de l'étranger. Enfin, quand la Torah nous enseigne l'amour du prochain, elle le dit au singulier, quand elle évoque l'amour de l'étranger elle le dit au pluriel : vous aimerez, de façon collective et pas seulement dans une relation individuelle. Alors...vivre ensemble.
Depuis huit ans, ensemble
Dans le cadre de notre association d'Amitié judéo musulmane, nous avons parcouru, pendant huit ans, toute la France. Nous avons rencontré et réfléchi avec tous les représentants de l'islam de France. Je dis bien tous, hormis les salafistes. Si l'on veut bâtir, ou essayer de bâtir un vivre ensemble, il est essentiel de parler avec toutes les mouvances musulmanes présentes dans l'Hexagone. Et je prétends, modestement, qu'aucune autre organisation juive n'a fait cette démarche. Elles se sont contentées de manipuler des leurres et des semblants, de « jouer » avec des personnes nullement représentatives. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas peur de le dire : oui nous avons discuté avec l'UOIF (Union des organisations islamiques de France), tout simplement parce que nous avons trouvé au sein de cette organisation, des imams tout à fait respectables, intéressants, qui pouvaient nous enrichir dans ce dialogue. De ces échanges et de ces réflexions sur la durée, nous avons tiré quelques enseignements.
Le moment n'est pas encore venu d'échanger avec les Musulmans de France de question de théologie. Ce que nous avons fait de façon fabuleuse avec les Églises reste à construire avec l'islam. Aujourd'hui, nous pensons qu'il faut d'abord entreprendre de reconnaître ensemble les valeurs éthiques qui nous sont communes. Il faut apprendre à les identifier pour ensemble rédiger une charte éthique des religions. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, la question des religions est polluée, affaiblie par la contamination des idéologies. Et les idéologies ont toutes conduit à la fermeture aux autres et donc à la violence.
Liberté de culte, liberté de conscience
Dans toutes nos discussions, nous partons des droits de l'homme : ils sont fondamentaux. Mais on ne se prive jamais de préciser que parler des droits de l'homme implique d'accepter, certes, le libre exercice du culte, mais en même temps la liberté de conscience de chaque individu. Cette acceptation est la pierre angulaire de nos relations. Et j'ajoute : derrière cette liberté de culte et cette liberté de conscience, il y a un corollaire : l'esprit critique. Pour moi, il est essentiel de ne pas avoir peur d'interpeller nos textes, de les interroger. Si l'Église a connu, au XVIIIe siècle, l'esprit critique avec Richard Simon, l'initiateur de la critique biblique en France ; le judaïsme, rappelons-le, l'avait introduit dans sa culture depuis le IIe siècle. Rien de plus dangereux que la lecture littérale des textes.
Une pratique raisonnée, intelligente, fondée sur la connaissance de sa religion, mais également sur la connaissance des autres religions est donc indispensable. Cela revient à dire : il faut promouvoir la connaissance réciproque. Autant Juifs et Chrétiens se connaissent, se fréquentent, étudient les mêmes textes depuis des années, autant nous avons à franchir des obstacles avec l'islam pour vivre ensemble. Cela implique de sortir de soi pour aller vers l'autre… Lire la suite.