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Publié le 22 janvier dans La Croix
À 90 ans, Élie Buzyn, le père de la ministre de la santé et l’époux de la psychanalyste Etty Buzyn, est l’un des rares adolescents rescapés d’Auschwitz. Il a écrit J’avais 15 ans. Vivre, survivre, revivre, éditions Alisio, 18 €.
"Je suis né à Lodz, en Pologne. J’avais 11 ans lorsque les nazis ont froidement abattu mon frère âgé de 22 ans. Le lendemain, ils nous parquaient dans le ghetto. Le jour de mes 13 ans, ma mère m’a confié : “La mort de ton frère est une douleur dont je ne guérirai jamais mais sache que quand on meurt, on ne meurt que pour soi-même. Moi je ne survivrai pas à cette guerre, ton père non plus et ta sœur est très malade. Tu dois
Tu dois tout faire pour rester en vie, essayer de retrouver mes frères à Paris et témoigner de ce qui nous est arrivé. »
Je suis l’unique survivant de ma famille. Ces quelques mots se sont avérés paradoxalement être pour moi le plus beau des cadeaux. La croyance maternelle irréductible en ma capacité de survivre m’a permis de résister, de ne pas rompre cette chaîne de générations, essentielle dans la culture juive. Ce qui comptait, ce n’était pas tant l’endurance physique que la résistance morale !
« Si quelqu’un doit t’accompagner, c’est moi »
À la Libération je me suis juré de ne jamais retourner dans cette partie de l’Europe souillée par le sang de tous les nôtres jusqu’à ce jour de 1993 où notre fils Gaël, alors âgé de 21 ans, m’annonça qu’il voulait se rendre à Auschwitz pour voir où ses grands-parents paternels avaient disparu. Dans la minute, je lui ai dit : « Si quelqu’un doit t’accompagner, c’est moi ».
Alors s’est imposée à moi, comme à la plupart de ceux qui ont survécu, l’idée que bientôt les témoins vivants auraient disparus. Par conséquent, cinquante ans après, il nous fallait accomplir ce devoir de mémoire pour que les nôtres ne meurent pas une seconde fois !
« Des témoins des témoins »
La transmission repose sur le fait que notre vécu doit être non seulement compris par les jeunes mais qu’il leur faut devenir à leur tour des témoins pour que la mémoire de la Shoah ne s’éteigne pas. C’est la mission que je donne aux jeunes que je rencontre dans les classes. Quant à mes petits-enfants, j’ai fait vœu de les emmener à Auschwitz à leur quinzième anniversaire. J’ai fait une exception cette année avec mon sixième petit-fils, Anton, qui est venu avec moi à tout juste 13 ans.
Un jour, sans doute pour me rassurer, mon fils m’a dit que si je ne pouvais accomplir ce pèlerinage avec tous mes petits-enfants, il les emmènerait à Auschwitz à ma place !
La transmission est assurée : ceux que j’ai aidés à s’approcher de l’horreur des camps sont devenus à leur tour des témoins. Des témoins de témoins… »