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Publié le 9 Septembre 2024

Le Crif en action – Retour sur l’hommage rendu aux athlètes israéliens assassinés aux Jeux olympiques de Munich en 1972

Lundi 5 septembre 2024, alors que les Jeux paralympiques 2024 se déroulent à Paris, le Crif a rendu hommage aux onze athlètes israéliens assassinés lors des Jeux olympiques de Munich le 5 septembre 1972 par le commando de terroristes palestiniens « Septembre noir ».

Crédits photo : ©Alain Azria

 

La cérémonie d’hommage aux athlètes israéliens assassinés lors des Jeux olympiques de Munich de 1972 s’est ouverte avec un extrait du film Au-delà des médailles, un documentaire produit par Jean-Philippe Lustyk en 2004 et diffusé sur France 5.

 

Ouverture de la cérémonie par le Président du Crif 

Le Président du Crif, Yonathan Arfi, a ensuite introduit cette cérémonie d’hommage. Il a salué la présence de l’ambassadeur d’Israël en France, Joshua Zarka, de l’ancien ministre, Guy Drut, des parlementaires et maires présents, Jérémy Redler et Ariel Weil notamment, du Président du Fonds social juif unifié (FSJU), Ariel Goldmann, du président du Consistoire central, Élie Korchia, ainsi qu’Hassen Chalghoumi et Marek Halter, Christophe Le Sourt, Mohamed Sifaoui… Le Président du Crif a également salué la présence d’Ankie Spitzer, veuve d’Andre Spitzer, athlète assassiné le 5 septembre 1972.

Yonathan Arfi a ensuite expliqué pourquoi il était important de tenir cette cérémonie, aujourd’hui : « Notre responsabilité, dans la communauté juive de France, au sein des institutions, et c’est mon combat comme celui de mes prédécesseurs, est de démontrer le caractère universel de ce qui s’est passé à Munich le 5 septembre 1972, et à quel point ce combat nous concerne tous. C’est le sens de cette cérémonie ouverte que nous tenons ici ce soir en permettant tout un chacun de s’y associer ».

Avec des mots forts, le Président du Crif a rappelé combien « Il y a des haines qui ne connaissent pas de trêve, pas même la trêve olympique. Parmi elles, la haine des Juifs et d’Israël ». « L’organisation « septembre noir » a profané les jeux et l’idéal olympique. »

Il a rappelé avec force les noms de ces onze athlètes, lâchement assassinés : Andre Spitzer, Amitzur Shapira, David Berger, Eliezer Halfin, Kehat Shorr, Mark Slavin, Moshe Weinberg, Yakov Springer, Yossef Gutfreund, Yossef Romano et Ze’ev Friedman.

« Je dois vous dire combien l’image des visages des six otages exécutés par le Hamas la semaine dernière alors que leur libération, qu’elle soit militaire ou négociée, approchait d’une manière ou d’une autre, a évoqué pour moi immédiatement deux images. Celle de Daniel Pearl d’abord, otage juif américain, exécuté par ces tortionnaires au Pakistan en 2002, mais aussi immédiatement celle des onze visages des membres de la délégation olympique israélienne assassinés à Munich. Alors en rendant hommage ce soir aux onze destins d’Israël arrachés à la vie par le terrorisme palestinien à Munich, nous rendons aussi hommage à toutes les victimes du terrorisme tuées au nom de la haine des Juifs ou d’Israël. »

Le Président du Crif a conclu sa prise de parole avec ces mots forts : « Deux mondes ne cesseront jamais de se confronter. Le monde tel qu’il est et le monde tel qu’il devrait être. Nous ne cesserons jamais de notre côté de nous battre pour les réconcilier ».

 

Table ronde : décryptage de l'attentat des Jeux olympiques de Munich

S’est ensuite ouverte une table ronde, animée par Pierre Fraidenraich, Président de la commission sport du Crif, en présence de Georges Dominique, jeune journaliste présent aux Jeux olympiques de Munich en 1972, Fabien Archambault, historien, et Bernard Amsellem, ancien président de la Fédération française d’athlétisme.

Georges Dominique a livré son témoignage. À 10 heures du matin, a proximité du village, il interview un cyclisme renommé lorsqu’un autre journaliste lui fait signe qu’il se passe quelque chose. « Pour nous, c’est la stupéfaction, on ne pouvait pas le prévoir. […] Rien n’avait été imaginé. » Paradoxalement, le travail de journalisme se poursuit et les athlètes poursuivent leur entraînement avant la compétition. La vie du village olympique continue alors même qu’une prise d’otage est en cours.

L’historien Fabien Archambault rappelle combien les jeux à l’époque ne sont pas aussi importants et médiatisés qu’ils le sont aujourd’hui. « On n’était pas encore dans des jeux qui étaient très bien organisés, au sens où l’organisation était encore amateure. »
L’historien rappelle également que la délégation israélienne ne bénéficie aucunement d’une sécurité particulière à l’époque. Les Allemands connaissaient les attentats mais à aucun moment, les autorités allemandes n’ont imaginé que les jeux olympiques pourraient être frappés. « Les Jeux olympiques ne sont pas encore ce qu’ils sont et vont le devenir avec le 5 septembre1972. »

Bernard Amellem, ancien président de la Fédération française d’athlétisme raconte combien le 5 septembre 1972 a été un « traumatisme ». «
« C’est un des premiers attentats diffusés en audiovision en direct. Les télévisions et les caméras étaient à vingt mètres […]. On peut le suivre, mais on ne voyait pas les images de la prise d’otage. Le CIO n’interrompt pas les épreuves tout de suite. […] Il faut que l’Ambassade d’Israël intervienne en disant qu’il est inadmissible que les épreuves continuent à se dérouler ». Les épreuves seront suspendues seulement vers 15h, et uniquement pour le reste de la journée.
« En pleine séquence de prise d’otages, il y a [une épreuve de] dressage à la télévision. » L’historien rappelle que le CIO tel qu’il existait n’était plus la structure adaptée pour gérer l’événement des JO tel qu’il était devenu.

Bernard Amsellem a rappelé que depuis cet événement tragique, les villages olympiques sont fermés et surveillés. Seules les personnes accréditées peuvent désormais pénétrer dans un village olympique.
Fabien Archambault précise qu’il n’y avait pas de précédent dans le monde du sport à cet attentat. Il indique que cela explique en partie comment les responsables olympiques ont été confrontés à quelque chose qui n’était pas pensable.

Le comité olympique décide de poursuivre les JO et une cérémonie d’hommage, quasiment de « veillée funèbre » est organisée le lendemain. La journée du lendemain est alors reportée au surlendemain, avant une reprise des Jeux.

 

Capsule vidéo de Nelson Monfort

Après cette table ronde, une capsule vidéo de Nelson Monfort a été diffusée. Nelson Montfort a fait part de son émotion, parlant d’un « drame épouvantable qui a atteint non seulement la délégation israélienne mais également tout le mouvement olympique par la même circonstance ». « Ce drame a eu des conséquences politiques, géopolitiques et sportives. »

 

Intervention de Guy Drut, ancien ministre des Sports et médaillé d'argent aux JO de Munich

Guy Drut, ancien ministre des Sports et médaillé d’argent aux 110 mètres haies aux JO de Munich, a également livré son témoignage. Il a rappelé également combien les Jeux olympiques ont évolué. Il raconte comment le matin de l’attentat, il se rend compte qu’il se passe quelque chose dans le village olympique. « J’ai vu ces terroristes qui se baladaient sur les balcons, cagoulés. […] Il y avait des télévisions dans les chambres et les salles communes, et les journalistes filmaient les terroristes. Cela montre combien personne ne s’attendait à un tel drame. » Guy Drut raconte aussi l’arrivée de l’hélicoptère destiné à l’évasion des terroristes ; « j’ai vu un terroriste descendre, négocier avec la police […] on a vu les terroristes descendre avec les otages, mitraillettes dans le dos ». « On s’est tous imaginé à ce moment-là que le problème était réglé et que les athlètes israéliens étaient libérés. » Les athlètes présents dans le village olympique n’ont appris ce qu’il s’était passé que le lendemain matin.

 

Témoignage du commandant Prouteau, fondateur du GIGN

La soirée s’est poursuivie avec le témoignage du commandant Christian Prouteau, fondateur du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN). Pierre Fraidenraich introduit cet entretien en rappelant que peut être que sans l’attentat des JO de Munich, le GIGN n’aurait jamais été créé. Il a redit combien les Jeux olympiques étaient considérés comme un lieu sanctuarisé ; personne ne s’attendait à un tel attentat. On aurait dû être alerté sur le fait que les Jeux pouvaient « représenter une tribune » politique, notamment parce qu’ils étaient diffusés à la télévision avec toutes les caméras du monde tournés vers ces lieux, complétement « perméables ».

À la question « pourquoi Munich est à l’origine du GIGN ? », Christian Prouteau rappelle qu’« au moment où le droit est enfreint, la force doit rester la loi. » Munich a été une source d’enseignements paradoxalement très riche. Munich a permis de faire le constat de toutes les erreurs à ne pas faire dans le cas d’un attentat. Cet attentat a été analysé, notamment pour créer le GIGN. « La police allemande est intervenue dans des conditions impossibles. » Le GIGN a ainsi été créé le 1er mars 1974.

 

Capsule vidéo de Yael Arad, cheffe de la délégation israélienne aux JO de Paris 2024

La séquence suivante s’est ouverte avec un témoignage de Yael Arad, cheffe de la délégation israélienne aux JO de Paris 2024 et athlète olympique. Elle a remercié la communauté juive pour son soutien et rappelé l’importance de commémorer la mémoire de ces onze athlètes.

 

Témoignage d'Ankie Spitzer, veuve d'Andre Spitzer, assassiné le 5 septembre 1972

Ankie Spitzer, veuve d’Andre Spitzer, athlète assassiné le 5 septembre 1972, et elle-même athlète, a offert à l’assemblée un témoignage très émouvant. Interviewée par Isabelle Wekstein, elle a raconté son histoire et celle de son mari, combien ces Jeux olympiques étaient le rêve d’Andre et combien elle avait voulu être à ses côtés pour faire partie de son rêve, alors même que leur bébé n’était âgé que d’un mois.

Ankie Spitzer a raconté avec beaucoup d’émotions qui était son mari, Andre Spitzer. Alors qu’ils étaient dans le village olympique, Andre était allé saluer les escrimeurs de la délégation libanaise et ce, alors même qu’Israël était en guerre avec le Liban. Alors qu’Ankie dit à son mari qu’il est fou, il va les saluer, rit avec eux et revient avec un grand sourire vers sa femme. Andre dit alors à Ankie : « Tu vois, c’est pour cela que je suis venu. Parce que c’est cela l’esprit des Jeux olympiques ». Deux jours plus tard, il a été assassiné.

Au moment du drame, Ankie et Andre n’étaient mariés que depuis un an et trois mois et avaient une petite fille âgée de seulement un mois. Ankie avait dû rentrer auprès de leur petite fille hospitalisée à Amsterdam au moment du drame. Le lendemain matin, ses parents l’ont réveillé en lui demandant combien d’athlètes composaient la délégation israélienne. Ils venaient d’apprendre que des athlètes israéliens avaient été pris en otage et qu’un coach avait déjà été assassiné. « La prise d’otage a duré 24 heures, c’était les 24 heures les plus longues de ma vie. Je pense aujourd’hui aux otages à Gaza, retenus depuis près d’un an… » Ankie a ensuite appris par la télévision que tous les athlètes israéliens avaient été assassinés.

« Je ne peux pas comprendre comment les gens peuvent se faire cela les uns aux autres. » Tout au long de sa vie, Ankie s’est battue pour qu’on honore la mémoire de son mari et de ces athlètes et qu’on raconte ce drame pour que jamais cela ne se reproduise. « J’ai essayé d’élever ma fille sans haine dans son cœur parce qu’on ne peut pas vivre en haïssant. »
Ankie a conclu son témoignage par ces mots très forts : « Le monde n’a rien appris depuis Munich. »

 

 

Discours de Joshua Zarka, Ambassadeur d'Israël en France 

Joshua Zarka, Ambassadeur d’Israël en France a ensuite pris la parole en rappelant le caractère spécial et tragique de cette commémoration, cette année. « C’est dans un tragique mélange que 52 ans plus tard, le passé et le présent s’affrontent. » « Nous avons tous, toute la communauté internationale, la responsabilité de tout faire pour que le monde retrouve sa boussole et qu’il reprenne le chemin de la liberté et que la paix dont nos ennemis tentent tant de nous détourner, revienne. »

 

Une bougie a ensuite été allumée par Ankie Spitzer, son Excellence Joshua Zarkan, et Yonathan Arfi, en mémoire des onze athlètes assassinés lors des Jeux olympiques de Munich.

 

 

Vous pouvez voir ou revoir l'intégralité de cette cérémonie : 

 

 

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