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Suite à l'annonce de sa disparition, le Président du Crif a rendu hommage à Robert Badinter, disparu le 9 février 2024.
Date hautement symbolique puisque c'est également un 9 février, en 1943, que son père, Simon Badinter, est arrêté par la Gestapo lors de la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon. Il est déporté le 25 mars 1943, par le convoi n°53, du Camp de Drancy vers le camp d’extermination de Sobibor où il meurt peu de temps après son arrivée. Robert Badinter est alors âgé de 14 ans.
Yonathan Arfi a également rendu hommage au grand Homme qu'il était. Avocat, universitaire, essayiste, homme politique français, Garde des Sceaux, président du Conseil Constitutionnel (1986-1995), sénateur (1996-2011) ... Robert Badinter était un homme de combat, profondément humaniste.
Ancien ministre de la Justice sous François Mitterrand, Robert Badinter est considéré comme le père de l’abolition de la peine de mort en France.
Avec la disparition de Robert Badinter, la France perd l'une de ses dernières grandes consciences morales.
Robert Badinter nous quitte symboliquement un 9 février, date anniversaire la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon le 9 février 1943, au cours de laquelle son père fut… pic.twitter.com/rEMaHpj2DQ
— Yonathan Arfi (@Yonathan_Arfi) February 9, 2024
En hommage à Robert Badinter, nous vous proposons de redécouvrir ce texte de Jean-Pierre Allali
Texte rédigé suite à la lecture de l'ouvrage : Robert Badinter ; l’homme juste, par Dominique Missika et Maurice Szafran
« C’est à Paris, le 30 mars 1928, que Robert Badinter voit le jour. Il est le fils de Samuel Simon Badinter et de Charlotte Chifra Rosenberg. Son aîné, Claude, a alors trois ans. La famille habite le très huppé quartier de la place de l’Étoile mais ne va pas à la messe. « Le vendredi soir, Idiss, la mère de Charlotte, qui vit avec eux, allume les bougies pour le shabbat. Des immigrés juifs d’Europe de l’Est ». Charlotte, en effet, fille d’Idiss et de Shulim, longtemps chiffonnier, sœur d’Avroum et de Naftoul, est originaire de Bessarabie. Samuel, lui, vint de Moldavie. Fils d’Abraham, marchand de bestiaux et de Shindléa Génia Babis, il est le quatrième d’une famille de huit enfants. À vingt ans, Simon s’engage dans l’armée impériale russe au sein de laquelle il combat vaillamment. Le 16 octobre 1919, il choisit la France. Marseille puis Paris.
C’est au bal des Bessarabiens que les parents de Robert Badinter se sont connus. Ils se marieront le 17 juin 1923 à la synagogue Notre-Dame de Nazareth. Le couple est traditionaliste et respecte les grandes solennités du calendrier juif. L’activité de Simon est florissante et la famille passera peu à peu des quartiers populaires au très convoité 16ème arrondissement. Et, bien entendu, les petits sont inscrits au lycée Janson-de-Sailly et prennent des leçons de piano. Le ménage est assuré par une bonne bretonne. Au printemps 1938, Claude célèbre sa bar-mitzva à la synagogue de la rue Copernic. Pour le futur ministre, ce sera une autre paire de manche : la cérémonie tombera en pleine Guerre et il en sera dispensé par le corps rabbinique, prudent.
2 septembre 1939. C’est la Guerre. Les Badinter préfèrent quitter Paris et se retrouvent à Nantes et, en partie, à Toulouse. L’Occupation, le régime de Vichy, l’antisémitisme, l’étoile jaune, l’aryanisation des entreprises, la fuite en zone libre, à Lyon, ville pétainiste. La famille Badinter paiera un lourd tribut à la folie nazie. Idiss, Naftoul et, plus tard Simon, seront déportés et ne reviendront pas des camps de la mort.
À la Libération, les Badinter, dont le logement a été saisi, se retrouvent à Boulogne-Billancourt. Robert, 17 ans, s’inscrit en faculté de lettres et de droit. Escapade, plus tard, à New York où il célèbrera la naissance de l’État d’Israël en 1948.
Retour à Paris et, en 1950, il prête serment. Il va rapidement se trouver « un patron, un maître, un deuxième père, un modèle », le célébrissime Henry Torrès qui, en 1927, avait obtenu l’acquittement de Samuel Schwarzbart, le petit horloger juif qui avait assassiné l’ataman ukrainien Petlioura. Une affaire exceptionnelle qui incitera Bernard Lecache à créer la LICA qui, depuis, est devenue la LICRA.
Robert Badinter, très rapidement obsédé par la question très controversée de l’abolition de la peine de mort, va défendre les accusés les plus emblématiques qui marqueront leur époque : Daniel Léger, confiseur escroc, Paul Dellapina, voleur récidiviste, Albert Tribout, accusé du meurtre d’un cafetier, Georges Guingouin, instituteur communiste, le cinéaste Jules Dassin, Roger Bontems, Patrick Henry, Michel Bodin, Mohamed Yahiaoui, Michel Rousseau, Jean Portais, Norbert Garceau ou encore Philippe Maurice.
Robert Badinter sera également l’avocat de la LICRA au début de juin 1981, contre le négationniste Robert Faurisson.
Le 23 juin 1981, c’est la consécration. Robert Badinter est nommé à la tête du ministère de la Justice. Pour ses détracteurs, il est « le ministre des assassins ». Le 17 septembre 1981, c’est le grand saut. Il demande à l’Assemblée nationale, au nom du gouvernement, l’abolition de la peine de mort. 369 voix pour et 113 contre.
Robert Badinter a épousé, en premières noces, le 31 octobre 1957, l’actrice Anne Vernon, coqueluche du Tout-Paris. La mère de l’avocat n’assistera pas au mariage. Anne Vernon est catholique et plus âgée que son fils. Trop, c’est trop ! Après huit ans de vie commune, c’est le divorce. Plus tard, Robert Badinter tombera amoureux d’Élisabeth, fille de Marcel Bleustein-Blanchet, de seize ans sa cadette, qu’il épousera en secondes noces. Ils auront trois enfants : Simon, Judith et Benjamin. »
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