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Crédits photos : @Fondation du Camp des Milles
« Il y avait un bus de la gendarmerie française qui nous attendait. Il nous a conduits dans un lieu qu’on ne connaissait pas… le camp des Milles. […] 100 personnes dans le wagon, hommes femmes enfants, grands-mères, bébés. Tout le monde dans le wagon, les portes fermées. On est resté 4 jours et 4 nuits dans ce wagon fermé. Il y avait des femmes qui accouchaient, des bébés qui mourraient… Cela peut toujours arriver… Ne jamais oublier le passé. »
Ce témoignage bouleversant et inédit, recueilli par la Fondation du Camp des Milles, permit à chacun d’entendre, dans un silence profond, la voix récemment éteinte d’Abram Aichenholc déporté du Camp des Milles. Cela faisait écho à la litanie des noms de la centaine d’enfants et d’adolescents juifs déportés du Camp des Milles, lue par Bianca Haddouche, puis à la récitation du Kaddish par le Rabbin Emannuel Valency, en hommage à toutes les personnes disparues dans l’horreur de la Shoah.
Denise Toros Marter, déportée à Auschwitz à l’âge de 16 ans, en lisant son « Testament d’Auschwitz », rappela avec force à nouveau le souhait des déportés que ne soient pas oubliées les leçons de cette histoire douloureuse : « Puisse le flambeau de la Mémoire collective, que nous vous transmettons avant d’arriver au bout de notre voyage, vous protéger à tout jamais d’un nouvel AUSCHWITZ ! »
Alors, pour se rappeler que, face aux extrémismes et aux fanatismes il est possible d’agir au nom du vivre ensemble et des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité, les noms des Justes ayant œuvré en faveur des internés et déportés du Camp des Milles sont lus par Charlotte Mège, petite fille de résistante. Cette dernière fit aussi lecture d’un « acte juste » : celui de Mohamed V, sultan du Maroc sous protectorat français, qui s’opposa fermement à l’application de la législation antisémite du gouvernement de Vichy à l’égard des Juifs marocains. Des milliers d’actes justes furent ainsi réalisés par des personnalités ou des anonymes. Autant de raisons pour l’espoir évoqué à la fin du « Chant des déportés » entonné en début de cérémonie « Mais un jour dans notre vie, /Le printemps refleurira/ Ô terre d’allégresse/ Où nous pourrons sans cesse/ Aimer, aimer ».
Après ce temps mémoriel, plusieurs allocutions ont marqué cette cérémonie, devant de nombreux élus, membres du corps diplomatique, représentants de l’État, des forces de sécurité, de la Justice, des cultes, des secteurs éducatif et associatif, d’étudiants de l’INSPE. Chaque intervenant a souligné en particulier les dangers actuels auxquels font face les démocraties ainsi que la nécessité de s’appuyer sur l’histoire, la mémoire et l’éducation pour lutter contre la banalisation et la flambée de l’antisémitisme.
Alain Chouraqui déclara avec force : « Aujourd’hui se développe une prise de conscience de la majorité de nos concitoyens. Et nous pouvons donc plus facilement compléter notre devoir d’alerte citoyenne par un appel renforcé à l’engagement et particulièrement à un engagement pour réparer sans attendre un monde humaniste qui se défait, pour recoudre les déchirures sociétales avant qu’elles ne soient irréversibles, et pour rebâtir encore et toujours un monde meilleur ».
Fabienne Bendayan, Présidente du Crif Marseille-Provence, rappela que « l’antisémitisme frappe, blesse, torture, tue et salit la mémoire de ceux dont nous nous souvenons. À chaque fois, il a précédé la division, le rejet de l’autre et l’effondrement de nos valeurs. […] Commémorer c’est naturellement se souvenir, mais c’est aussi éclairer le présent, c’est défendre une idée de l’homme, de sa liberté et de sa dignité. […] Puisse cette commémoration être le socle d’une résistance puissante qui permette de construire et de diffuser un enseignement sans concession sur le respect des valeurs fondamentales, dernier bouclier contre la lâcheté et la barbarie ».
Sophie Joissains, Maire d’Aix-en-Provence et vice-Présidente de la Région Sud fit référence à la « lumière des Justes, une lumière pour que, plus jamais, un être soit « éliminé pour être ce qu’il est. Et je veux voir, dans notre assemblée d’aujourd’hui, avec Denise Toros-Marter, nous tous, mais surtout aussi tous ces jeunes gens, un message d’espoir, un symbole de lumière et de paix ».
Propos prolongés par Martine Vassal, Présidente de la Métropole Aix-Marseille et du département des Bouches-du- Rhône. Cette dernière salua le travail fondamental du Camp des Milles dans l’accueil massif des collégiens car « le devoir de mémoire est précieux, et indispensable notamment auprès des jeunes générations [...]. En tous cas, ce qui est important, c’est que nous puissions rester unis pour que l’espoir et la paix soient nos lignes de conduite pour toujours ».
Le sous-Préfet Bruno Cassette, au nom de Christophe Mirmand, Préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, retenu par l’accueil d’une haute personnalité, conclut les allocutions en affirmant : « l’antisémitisme pétrit encore les esprits, revêt des formes nouvelles, insidieuses, détournées. Les massacres du 7 octobre le rappellent. En hébreu, on désigne la Shoah par un lieu « là-bas ». Tapi dans les discours négationnistes, drapés dans les mots haineux, ce là-bas menace toujours. Plus que jamais, lutter contre la banalisation impose un devoir de mémoire. […] Se souvenir, c’est choisir un avenir commun, contre la barbarie, le séparatisme et l’intolérance. […] Pour assurer aux ombres et aux rescapés, aux oubliés et aux enfants que leur supplice a pris fin pour l’éternité ».
Pour conclure ce temps de commémoration, La Marseillaise, hymne fédérateur de la Nation, a été interprétée par des élèves du Lycée militaire aux cotés de volontaires de l’établissement pour l’insertion et l’emploi (EPIDE) et de jeunes du SNU.
Décidée par l’ONU en 2005, cette Journée du 27 janvier traduit la reconnaissance internationale de la portée universelle du génocide des juifs. L’universalité de cette histoire particulière est au cœur des connaissances transmises par le Site-mémorial du Camp des Milles sur les mécanismes humains fondamentaux qui peuvent mener au pire mais aussi sur les capacités humaines à y résister, chacun à sa manière. C’est aussi la date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau.
Comme chaque année, cette cérémonie régionale était diffusée en direct sur les réseaux sociaux pour permettre à tous ceux qui le souhaitaient de s’associer à ce temps d’hommage aux victimes et de réflexion sur les leçons de la Shoah. Pour revoir la cérémonie, cliquez ici.
Extrait de l'allocution d'Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation
« Face à ce Wagon du Souvenir qui rappelle les horreurs de l’antisémitisme nazi et pétainiste, et devant les échos de cette période sombre que nous renvoient aujourd’hui les extrémismes identitaires avec leurs atrocités terroristes et l’explosion des actes antisémites dans le monde après le plus grand massacre de juifs depuis la Shoah, je ressens le besoin de DEMANDER PARDON au nom de tous ceux, y compris nous-mêmes, qui auraient pu faire plus, faire mieux et plus tôt.
PARDON
D’avoir laissé monter aux extrêmes – de droite et de gauche – les passions mauvaises et sectaires de l’antisémitisme, des racismes et du rejet de l’autre, qui nourrissent nolens volens les engrenages et les dérives violentes qui menacent la paix civile et qui déborderont les porteurs de haine eux-mêmes ;
D’avoir sous-estimé la portée sociétale de l’assassinat des enfants juifs et des militaires à Toulouse et Montauban, et d’avoir laissé à nouveau des enfants juifs subir aujourd’hui l’antisémitisme dans des écoles qu’ils doivent fuir ;
D’avoir laissé se banaliser le mot terrible de génocide au point de voir aujourd’hui des victimes accusées d’être des bourreaux pour mieux effacer leur tragédie ;
D’avoir laissé un « nouvel antiracisme » devenir raciste et antisémite ;
D’avoir laissé Israël, où vivent encore la majorité des survivants de la Shoah, devenir le juif des nations non démocratiques, au point de devoir entrer dans l’engrenage de la guerre et de ses horreurs qui tuent les hommes et salissent les âmes ;
D’avoir laissé arriver la guerre à nos portes au point de devoir préparer nos cœurs à la guerre chez nous ;
Pardon surtout d’avoir oublié le sens de notre trésor républicain en réduisant ses principes démocratiques à un processus électoral, au point de banaliser les héritiers conscients ou inconscients de Pétain qui, comme Hitler, ont réussi à être élus démocratiquement en portant des dynamiques anti démocratiques.
Mais il n’y a pas de Pardon sincère qui ne soit actif, déterminé à faire mieux
Aujourd’hui se développe une prise de conscience de la majorité de nos concitoyens. Et nous pouvons donc plus facilement compléter notre devoir d’alerte citoyenne par un appel renforcé à l’engagement et particulièrement à un engagement
pour RÉPARER sans attendre un monde humaniste qui se défait,
pour RECOUDRE CES DÉCHIRURES SOCIETALES avant qu’elles ne soient irréversibles,
pour BÂTIR ET REBÂTIR ENCORE ET TOUJOURS UN MONDE MEILLEUR. »
Contact Presse
Claudie Fouache
par mail à l’adresse claudie.fouache@campdesmilles.org
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