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Le Crif : Au moment de l’attaque islamiste d’Arras, dans votre région, ce qui a été remarquable est le courage et l’esprit de responsabilité des enseignants notamment. N’est-ce pas cela aussi qui est en jeu actuellement, le courage et la responsabilité ?
Xavier Bertrand : Il y a eu avant tout une grande dignité de l’ensemble de la communauté éducative, les élèves, leurs parents, les enseignants bien sûr, les agents de la région, les personnels de direction, le proviseur a été à l’image de tous, très solide même s’il a bien sûr été très marqué. Après que le terroriste islamiste a assassiné Dominique Bernard, c’est vers le bureau du proviseur qu’il se dirigeait.
Je veux saluer le courage de ceux qui ont tout fait pour repousser l’assaillant et ont évité une tragédie plus importante encore, permettant aux forces de l’ordre d’intervenir en quelques minutes, de neutraliser le terroriste. Bien sûr, le choc est immense, pour la communauté éducative, comme pour toute la région et la Nation. Il y a aussi beaucoup de questions et d’inquiétude. Après Samuel Paty, l’école, symbole de la République, est une cible et cela, naturellement, angoisse.
Le Crif : L’angoisse et l’inquiétude appellent de nouvelles mesures, dans divers domaines, visant à renforcer la sécurité et la lutte contre le terrorisme. En ce domaine, on entend beaucoup de choses, notamment ce qui aurait dû ou pu être empêché ; quel est votre point de vue et votre principale proposition ?
Xavier Bertrand : Renforcer la sécurité est toujours une priorité, pour les lycées, les collèges, les écoles et au-delà. Nous savons tous et toutes qu’en matière de terrorisme nous ne pouvons jamais, en France comme ailleurs, atteindre un risque zéro. Renforcer la sécurité de nos concitoyens c’est, à mes yeux, déjà se débarrasser des dangereux. Les mesures de sécurisation des lieux sont importantes, et nous y travaillons intensément au niveau de la région avec les services de l’État, mais le vrai sujet concerne aussi ceux qui sont radicalisés et qui, pour certains sont de nationalité étrangère : lorsqu’ils présentent un danger pour l’ordre public, ils doivent être expulsés et, en attendant la mise en œuvre effective de l’ordre de quitter le territoire français (OQTF), ils doivent être placés en centre de rétention pour une durée plus importante que ce qu’autorise aujourd’hui la loi. Ceci est une partie de la réponse, elle ne règlera pas tout naturellement mais c’est une partie importante.
Le Crif : Cela nécessite donc une convergence des parlementaires sur une série de mesures relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière mais aussi des changements de dispositions (légales et réglementaires) concernant l’immigration régulière en France ?
Xavier Bertrand : La proposition que j’ai formulée, qui a été reprise par le ministre de l’Intérieur, vise aussi à soutenir le travail très important consistant à identifier ceux qui représentent un danger pour l’ordre public et on a besoin de faire évoluer la loi en matière d’immigration et, sur ce point précis, il y a forcément des convergences.
Le Crif : Tout le monde, à Les Républicains (LR) en particulier, avant les événements tragiques qui ont eu lieu en Israël, en France et en Belgique, n’avait pas ce souhait de convergence…
Xavier Bertrand : Le point précis de ma proposition est un point nouveau, que j’ai travaillé ces derniers jours avec une série d’experts de ces dossiers, des juristes, des policiers aussi. Le ministre de l’Intérieur s’est dit prêt à la reprendre, c’est une proposition qui avance une part de solution au problème posé. J’entends beaucoup ceux qui disent « y a qu’à », « faut qu’on », « il faudrait »… il faut d’abord des solutions concrètes, ma proposition est une première solution, elle ne peut pas, bien sûr, être la seule réponse, mais elle est de nature à pouvoir plus largement expulser les dangereux et à protéger nos concitoyens.
Le Crif : Peut-il y avoir convergence au Parlement entre Les Républicains et la majorité présidentielle ?
Xavier Bertrand : Ce sujet n’est pas une question de partis politiques, la question principale est : est-on d’accord pour se donner les moyens de protéger les Français en restant dans le cadre d’un État de droit ? Ma proposition s’inscrit dans cette perspective et cette seule motivation. Elle n’est peut-être pas parfaite, je suis naturellement prêt à la travailler avec d’autres, des parlementaires, le ministère de l’Intérieur. Mon attitude sur ces enjeux et dans ces circonstances gravissimes est d’apporter des solutions. Après, chacun prendra ses responsabilités.
Le Crif : On le voit bien aux extrêmes, au Rassemblement National (RN) et dans votre région en particulier, il y a eu dès l’assassinat du professeur Dominique Bernard des initiatives polémiques sans que des propositions apparaissent toutes en rapport avec les réalités ou les capacités d’améliorer concrètement l’action publique, non ?
Xavier Bertrand : Il n’y a pas de propositions concrètes de ce côté-là. Les extrêmes se caractérisent et se manifestent toujours par ceci : profiter du malheur, exploiter les problèmes, c’est leur nature, c’est leur méthode, d’un cynisme absolu. Qu’il s’agisse d’ailleurs de La France Insoumise (LFI) ou du RN, ce sont des vautours. Il faut qu’il y ait des problèmes pour qu’ils les exploitent. Moi, quand il y a des problèmes, j’essaie de trouver des solutions.
Le Crif : L’unité nationale semble donc impossible en France ?
Xavier Bertrand : Chacun doit, dans ces circonstances graves, prendre ses responsabilités. Les considérations partisanes devraient s’effacer au profit de la seule question qui vaut : est-ce qu’on place au-dessus de nous l’impératif d’intérêt général ? C’est ma ligne de conduite.
Le Crif : Concernant la situation dramatique en Israël, après l’attaque terroriste sans précédent lancée par le Hamas le 7 octobre et la sauvagerie des massacres commis, comprenez-vous que l’armée israélienne ait préparé et prévu une opération terrestre à Gaza ?
Xavier Bertrand : Je ne me contente pas de la comprendre, je la soutiens. Il faut bien voir de quoi il s’agit, on a assisté le 7 octobre à un massacre organisé et planifié comme on n’en a pas vu depuis la Shoah. C’est cela ce qui s’est passé. La sécurité d’Israël, des Israéliens et même de nos démocraties en Europe passent par l’éradication du Hamas. Je pense qu’il faut être très clair sur cet objectif.
Le Crif : L’opération terrestre de Tsahal vous paraît donc la condition de cette éradication du Hamas ?
Xavier Bertrand : Quel autre choix s’offre à Israël ? Je soutiens Israël car on sait que la paix dans cette partie du monde ne sera pas possible tant que le Hamas n’aura pas été éradiqué. Il faudra s’assurer définitivement que plus jamais le Hamas ne pourra délibérément tuer et massacrer des civils.
Le Crif : Concernant l’onde de choc des menaces terroristes en Europe, et l’état d’esprit de nos concitoyens en France, quel est, au-delà de la proposition évoquée, votre message ?
Xavier Bertrand : Mon message est qu’il faut faire bloc, encore et encore faire bloc face au terrorisme. C’est une guerre qu’il nous faut mener sans relâche et nos concitoyens nous le demandent. Mais attention, ce ne sont pas les discours qui nous protégeront, les hommages sont importants pour les victimes mais, pour le reste, nous avons besoin d’actes forts. On a vu l’acte terroriste islamiste d’Arras, celui de Bruxelles, on a vu aussi un nombre important d’attentats déjoués, je veux aussi le souligner, grâce à l’efficacité de nos services de sécurité, mais nous sommes dans une guerre, qui sera longue. Et nos concitoyens doivent être certains que nous serons très déterminés à mener cette guerre sans faiblesse : ce sera eux ou nous. C’est eux qu’il faut mettre hors d’état de nuire.
Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet, le 20 octobre 2023
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