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Patrick Kanner a commencé son propos en remerciant le Président de la Commission, ainsi que les commissaires présents, de le recevoir.
« Je voudrais vous préciser tout d’abord que je suis en politique depuis assez longtemps. Cet engagement représentait dans ma jeunesse l’expression d’une révolte énergique, d’une volonté de justice sociale, une période de contestation. J’ai adhéré au parti socialiste (PS) en 1975, à l’époque où le PS voulait changer la vie de nos concitoyens, avec la présence médiatique de François Mitterrand, il a été pour moi un inspirateur, comme Jean-Pierre Chevènement. Les années suivantes je me suis rapproché de Pierre Mauroy qui m’a formaté comme militant, comme élu, avec le sens de l’empathie et de la bienveillance. Quand on fait de la politique il faut avoir un idéal mais aussi être capable de le mettre en œuvre. Je ne regrette pas mon parcours républicain, moi le fils d’immigrés, le fils d’une maman qui a porté l’étoile jaune à Lille, le fils d’un papa qui a fui l’Allemagne nazie à la fin des années 30. »
« Quand on fait de la politique à un haut niveau, il ne faut jamais perdre une forme d’humilité. Vous êtes là pour servir et non pas pour se servir. J’ai toujours été socialiste avec des hauts et des bas, mais je considère que dans un pays comme le nôtre, il est important d’avoir un clivage droit et gauche. Je combats les personnes comme Marine Le Pen, qui veulent un développement du populisme pour essayer d’arriver au pouvoir, et j’estime que ce danger est plus que présent actuellement. Quand une société va mal, les jeunes sont les premiers à en pâtir. »
« Je n’ai jamais subi personnellement d’actes antisémites, j’ai eu cette chance, mais qui dit chance… Malheureusement, notre pays ne va pas bien du tout à ce niveau. Emmanuel Macron a créé un climat politique troublant. Je ne suis pas favorable à toute cette atmosphère, je considère qu’il y a une vraie difficulté qui se traduit par un grand trouble électoral. Prenons l’exemple de la Guadeloupe aux dernières présidentielles. Jean-Luc Mélenchon, a fait 54 % au premier tour et Marine Le Pen 17 %. Au deuxième tour Marine Le Pen a fait 70 % avec le report des voix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Ceci est très inquiétant.
Quand je vois que des candidates La France Insoumise (LFI) invitent Monsieur Corbyn après son absence de réaction pour les formes d’antisémitisme exprimés au sein du Parti travailliste, ça pose des problèmes. Finalement vous avez devant vous un Sénateur inquiet sur l’évolution de notre République, avec une perte de repère. Comment peut-on combattre cette évolution, par une mobilisation de chacun, c’est une réponse citoyenne, et chacun doit lutter contre ces dérives à son niveau, je pense que c’est le meilleur antidote, une protection collective. »
« Avec le parcours qui est le mien, issu de deux familles juives émigrées, j’ai intégré l’idée d’une République bienveillante. »
Première question de Roger Cukierman, Président d’Honneur du Crif, posée à Patrick Kanner. Roger Cukierman précise en effet que le pays a besoin d’une gauche forte, mais que le Secrétaire Général actuel du PS Olivier Faure a commis une grosse erreur en s’alliant avec Jean-Luc Mélenchon qui a quand même des positions antisémites et antisionistes très marquées. D’autre part que pensez-vous de Noël Le Graët et de cette affaire ?
« Concernant votre deuxième réflexion sur Noël Le Graët, je pense qu’il a dérapé, mais il faut savoir que la Fédération de Football est une très grande Fédération avec deux millions de licenciés, c’est énorme. À l’époque où j’étais Ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, j’ai toujours eu d’excellentes relations avec Noël Le Graët, aussi j’ai refusé de parler aux médias dernièrement, en ne prenant pas de position. »
« Sur votre première interrogation, j’ai connu Jean-Luc Mélenchon il y a très longtemps, je l’ai combattu, il n’a jamais gagné un congrès du PS, il a quitté le PS en 2008, et il a créé LFI en 2017, il a fait des choix qui ne sont pas les miens, mais je ne l’ai jamais entendu tenir des propos antisémites. Sur le fond de nos relations avec LFI, il n’y a qu’une seule question : est-ce que c’est la force qui fait l’union ou est-ce que c’est l’union qui fait la force ? Il faut que le PS se reforme et se renforce. »
« Il faut défendre la République, c’est notre bien commun, et pour la défendre il faut se réinventer et reconstruire notre logiciel. Il faut que le PS porte des idées nouvelles comme le droit à mourir dans la dignité, la transition écologique juste. Nous sommes responsables de ce qui arrive à notre planète, pourtant je ne suis pas pour une écologie punitive. »
« Si les mouvements populistes existent c’est que nous avons laissé des pans complets de la société sans accompagnements. L’école est l’outil de l’instruction, l’éducation c’est avant tout la responsabilité des parents qu’il faut parfois accompagner. C’est la raison pour laquelle j’avais porté sur le plan professionnel l’idée de l’école des parents. Derrière les sourires du Rassemblement national (RN), il ne faut pas oublier leurs fondamentaux d’exclusion et d’intolérance, il faut donc retravailler notre message politique. »
« Dernier point, la réforme des retraites. Je considère que cette réforme n’est pas utile, je pense que ça ne nécessite pas un tel bouleversement dans le pays, pourtant je pense également que le groupe Les Républicains (LR) viendra en soutien de ce vote.
Concernant les élections, il faudrait reconnaître les votes blancs. Aux sénatoriales les grands électeurs sont soumis à un vote obligatoire. L’abstention fait le jeu des extrémistes et c’est bien dommage. »
Propos recueillis par Anne BRANDY