Jean-Pierre Allali
Marranes, Crypto-Juifs et tribus perdues, par Pierre Mamou (*)
Directeur de l’Institut de Recherches Marranes, Pierre Mamou nous offre un recueil en 15 épisodes qui sont autant de voyages édifiants. L’ouvrage est dédié à sa grand-mère maternelle, Aurélia Zacuto-Boccara, Juive portugo-italienne, descendante d’Abraham Zacuto, astronome de Christophe Colomb.
Selon Pierre Mamou, s’il y a, de nos jours, quelque 14 millions de Juifs à travers le monde, le judaïsme dispose d’un réservoir humain potentiellement bien plus important, soit 120 millions d’âmes, descendants de Marranes qui reviendront, peut-être un jour, à la foi de leurs ancêtres.
C’est qu’après la défaite des Juifs face à Nabuchodonosor puis à Titus, le peuple d’Israël a essaimé aux quatre coins du monde, se retrouvant, selon les périodes, sous la férule de la catholicité ou de l’islam. À la férocité d’Isabelle la Catholique a correspondu, en terre d’islam, le statut infamant de la dhimma. Dans les deux cas, la détestation des Juifs a conduit nombre d’entre eux à opter pour une conversion. Conversion souvent peu sincère, d’où l’existence de Marranes, pratiquant en secret leur foi.
En 1492, après le décret de l’Alhambra, Isabelle donna 4 mois aux Juifs d’Espagne pour choisir entre la conversion et l’exil. Certains choisirent le Portugal. Mauvaise pioche ! En 1497, le roi Manuel du Portugal épousa la fille d’Isabelle la Catholique et les malheureux Juifs se retrouvèrent face au même problème qu’en Espagne. De nos jours, à Belmonte, des crypto-Juifs sont revenus à leur ancienne foi.
Parmi les Marranes célèbres, l’auteur nous raconte l’épopée de Christophe Colomb et celle, moins connue, des pirates juifs, tel Sinan de Tunis. On découvre aussi les Marranes de Hollande, du Brésil et du Pérou, souvent venus du Maroc.
En Tunisie, originaires de Livourne en Italie, les Juifs italo-portugais dits Granas, vinrent, vers 1700, renforcer la communauté juive des Touansas. Les deux groupes vivront séparés jusqu’après la Seconde Guerre mondiale.
Pierre Mamou nous emmène aussi à la rencontre des Juifs de Perse, de Chine ou encore d’Afghanistan. Sans oublier la Sicile et l’Algérie.
Un chapitre est consacré aux Marranes et descendants de Marranes célèbres : de Maïmonide à Pierre Mendès France en passant par Cervantès, Montaigne, Disraeli, Pissarro, les Pereire et bien d’autres.
Des Falashas d’Éthiopie aux Lembas et aux Abayudayas, Mamou nous parle avec bonheur des Juifs noirs. Le dernier épisode est consacré à une incroyable affaire qui vit un jeune Juif tunisien accusé de meurtre sauvé grâce à une intervention du Grand rabbin Joseph Sitruk avec le concours de Pierre Mamou lui-même.
Très intéressant !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Pierre Mamou. Institut de Recherches Marranes. Octobre 2020. 124 pages. 15 €.