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Publié le 10 Mars 2020

Crif/Pourim - Interview exclusive avec Tom, un vrai troll antisémite

Racisme, antisémitisme, préjugés, haine en ligne, nous avons rencontré Tom (son nom a été changé), 32 ans et adepte du réseau social populaire dans les milieux de l'ultra-droite raciste et antisémite en France : VKialedroit (VK).

Nous l'avons rencontré dans un cybercafé-photocopie proche de la rue du Château d’Eau. Il poste plus de 8 fois par jour des contenus antisémites. 

A quelle heure le fait-il, sous quel masque ? Tom a accepté de nous ouvrir les portes de sa journée type. Il nous raconte tout. 

Plongée au coeur du quotidien d’un “haters” ou plutôt d’un “troll” du digital. 

 

Question : Tom, depuis quand êtes-vous un adepte du réseau VKontakte? Depuis quand postez-vous des messages antisémites ?

Tom : Pour ma part, l’utilisation de VK, comme on l’appelle, est très récente ; je dirais depuis 6 mois environ. Par contre, poster des messages antisémites ne date pas d’hier. Depuis des années je m’adonne à cette pratique. Que ce soit des vidéos, des photomontages ou des caricatures, tout y est passé ! Le plus compliqué c’est que parfois il faut vraiment se creuser les méninges pour redoubler d’originalité. Et c’est ce qui me plait sur VK ! Les gens ont beaucoup d’imagination, ils sont très inspirés, notamment pour publier des contenus antisémites. 

 

Question : Quels sont vos modes d’actions favoris ? 

Tom : Avant j’utilisais les réseaux sociaux classiques comme Facebook, Twitter ou encore Instagram, mais c’est devenu de plus en plus compliqué de poster des contenus antisémites dessus. 

 

Question : Pourquoi est-ce de plus en plus compliqué ? 

Tom : C’est simple… À cause des modérateurs sur les grandes plateformes, qui se responsabilisent et qui sont de plus en plus féroces ! À vrai dire, ils ne laissent rien passer ! En plus de supprimer le contenu, ils peuvent également suspendre ou bloquer définitivement un compte. Ça m'est arrivé pleins de fois. Du coup je ne pouvais plus poster. J’ai du me refaire un autre compte ; et ça, ça m’est arrivé une dizaine de fois. Mais je ne suis pas quelqu’un qui renonce facilement ! Les associations qui luttent contre le racisme ou encore l’antisémitisme, comme le Crif, sont intransigeants ! 

La loi Avia a aussi joué en ma défaveur. Du coup, comme je vous l’ai expliqué, j’ai actuellement un autre mode d’action. Utiliser d’autres réseaux sociaux, un peu ou beaucoup plus flexibles niveau juridique. 

 

Question : Vous travaillez en équipe ou plutôt seul ? 

Tom : En ce qui me concerne, je travaille en équipe. On est plusieurs à avoir le même profil ou différents profils, postant les mêmes contenus, afin d’avoir plus de visibilité et une plus grande portée. Notre activité favorite c’est de troller, c’est à dire d’aborder un sujet à controverse provoquant de vives réactions et des discussions à n'en plus finir. 

 

Question : Qu’est-ce que ça vous apporte de poster des messages haineux, malgré la loi en vigueur qui est extrêmement sévère sur le sujet ? 

Tom : Pour moi il s’agit de la liberté d’expression, purement et simplement. Chacun est libre de s’exprimer comme il l’entend. 

 

Question : Comprenez vous que ce n’est pas une opinion de proférer des insultes antisémites mais un réel délit ? 

C’est ce que la loi dit, je le sais bien. À chacun de l’appliquer ou non. J’ai choisi, comme on pourrait dire, d’être hors-la-loi. 

 

Question : Nous avons pris connaissances des chiffres de l’Observatoire de l’antisémitisme en ligne publié la semaine dernière par le Crif. Par exemple, 63 % des contenus haineux et antisémites sont sur Twitter, qu’en pensez-vous ? 

Tom : Ce chiffre renvoi aux contenus présents après modération par les plateformes, mais également aux contenus publics. Le problème, c’est que moi - comme beaucoup d'autres - je publie en privé. C’est assez incongru de ne pas prendre en compte les contenus publiés sur un compte privé ; cela fausse tous les chiffres ! 

Quand j’y réfléchis, l’état de l’antisémitisme en France, va encore plus mal que ce qu’il est écrit officiellement. Pensez-vous sérieusement que lorsque je publie des contenus antisémites, mon profil est en public, de manière à me tirer moi même une balle dans le pied ? C’est peut-être choquant ce que je dis mais c’est la pure et simple vérité et je ne suis pas le seul. 

 

 - Cet article a été rédigé dans le cadre de la "newsletter déguisée du Crif" à l'occasion de Pourim -