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Publié le 26 Février 2020

France/Mémoire - Comment la mémoire de la Shoah se prépare à la disparition de ses témoins

Le Mémorial de la Shoah, à Paris, propose une exposition dense, nourrie d’archives, qui raconte l’évolution des récits faits par les survivants depuis 75 ans. Et pose la question de l’après.

Photo : Mémorial de la Shoah

Publié le 24 février dans Le Figaro

Sur fond noir, l’affiche de la nouvelle exposition du Mémorial de la Shoah, La Voix des témoins, déroule sept numéros à cinq chiffres. À côté, un simple QR code et une injonction: «Écoutons-les». Ces numéros ont été tatoués sur les bras de Primo Levi, de Simone Veil, d’Élie Wiesel, d’Imre Kertész, de Marceline Loridan-Ivens, de Samuel Pisar et d’Aharon Appelfeld, entre 1941 et 1944. Et le QR code - lorsqu’il fonctionne - permet d’avoir accès à des enregistrements, où l’on entend le récit de ces sept survivants. Soixante-quinze ans après l’entrée des Soviétiques dans les camps de la mort, plus aucun d’entre eux ne subsiste - même si leur voix les rend, en quelque sorte, présents.

Tout au long de l’année, le Mémorial se penche sur la figure du survivant et du témoin. Plus précisément, l’exposition aborde la construction historique de ces figures, qui n’ont pas toujours occupé la même place dans l’espace public. Bien que les anciens déportés aient toujours beaucoup raconté ou écrit sur leur expérience dans les camps ( certains l’ayant même fait dans la clandestinité, à Birkenau), il a fallu attendre longtemps pour que le public commence à les écouter. «Au lendemain de la guerre, on parlait de déportés, de rescapés ou de survivants. Et ce n’est que dans les années 1960 que l’on a vu émerger le terme de témoin, qui renvoie à celui qui a vu et qui peut attester», explique Léa Veinstein, commissaire de l’exposition.

Au fil des années, des tournants vont s’opérer dans la relation entre le survivant et celui qu’il a en face de lui. Le procès d’Adolph Eichmann, organisé en 1961, qui fit solennellement appel à 111 d’entre eux, en est un. Quinze ans plus tard, la montée en puissance de négationnistes comme Robert Faurisson, va pousser certains survivants de la Shoah à prendre la parole, et à se faire entendre. De même, le discours de Jacques Chirac, lors de la commémoration de la rafle du Vel’ d’hiv’, en juillet 1995, va donner lieu à une éclosion de témoignages.

Dans l’époque contemporaine, la mémoire va tantôt être perçue comme un devoir, tantôt être politique - on songe au combat des époux Klarsfeld ou à l’engagement d’Élie Weisel. «On assiste aujourd’hui à une sorte de professionnalisation du témoignage», ajoute Léa Veinstein. Des figures comme Henri Borlant, déporté à 15 ans, ou Ginette Kolinka, rescapée d’Auschwitz-Birkenau, sont devenus des repères contre le «plus jamais cela». Investis de la question de la transmission, ils racontent sans ménager leur peine dans les collèges et les lycées, se heurtant parfois à un nouveau déni. Ils ne désarment pas: Élie Wiesel ne disait-il pas que celui qui écoutait devenait à son tour un témoin ?

Reste à savoir qui prendra le relais, après leur disparition. L’exposition esquisse des réponses. En 2005, le mémorial s’est lancé dans un projet de collecte de témoignages filmés, qui s’ajoutent à ceux récoltés aux États-Unis, depuis une trentaine d’années. Ils complètent un nombre considérable d’ouvrages, dont la plupart sont vendus dans la librairie du Mémorial. L’exposition achève enfin son propos par une galerie de portraits, qu’elle dénomme «la génération d’après». Historien, auteur de bande dessinée, documentariste, écrivain ou photographe, âgés de 29 à 56 ans, ils sont et seront les passeurs de cette histoire sans fin.

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