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Publié le 19 mars dans 20Minutes
« Ça suffit ». Ce sont les lettres brandies ce mardi soir lors du rassemblement organisé au mémorial de la Shoah de Toulouse pour dire non à l’antisémitisme. Plusieurs centaines de personnes sont venues pour montrer leur union contre « la banalisation de la haine ». Des élus de tous bords, des citoyens, des membres de toutes les religions.
Et même des « gilets jaunes » ont voulu montrer « leur attachement aux valeurs de la République. » « Mais vous laissez la haine s’exprimer, vous devez assumer », l’interpelle un membre de la communauté juive. La discussion se poursuit, animée, mais la convergence est difficile, la rupture semble consommée.
Flambée de l’antisémitisme depuis l’affaire Merah
« Vous savez, de voir des croix gammées sur la façade du Capitole cela renvoie à ce qu’il y a de plus sombre, ici on sait ce que c’est la haine des juifs », rappelle une mère de famille en référence à l’attaque perpétrée le 19 mars 2012 par Mohammed Merah contre le lycée juif d’Ozar Hatorah.
« Il ne faut pas l’oublier, une famille massacrée, des gens ont connu ça à Toulouse il y a quelques années, il faut une prise de conscience de la population », insiste Jean, venu avec sa femme. Lorsqu’on l’interroge sur les actes antisémites au quotidien, c’est elle qui répond. « Vous savez, ce monument est systématiquement abîmé. Je le visite chaque année avec mes élèves les textes et les plaques sont arrachées », relève-t-elle.
Le tabou de la Seconde Guerre mondiale est tombé
C’est un des symptômes de la montée de l’antisémitisme. Les tags en sont un autre. Ils ont fleuri ces dernières semaines en marge des manifestations. Certains en voient régulièrement apparaître dans les transports en commun.
« J’ai l’impression que ce qui se passait sur Internet, quelque chose qui relève du fantasme et du complotisme, se déverse aujourd’hui dans les rues, à visage découvert. L’antisémitisme ne passe pas que par de la violence physique, mais aussi par le spectacle à visage découvert, souvent ce sont des jeunes, comme si le tabou de la Seconde Guerre mondiale était dépassé », avance Nicole Yardeni, ancienne présidente du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) de Toulouse.
Un poste qu’elle occupait au moment de l’affaire Merah. « Juste après il y a eu une flambée ici, c’est à partir de là que cela s’est déchaîné comme si l’horreur absolue, celle de la mort des enfants, avait fait dépasser une limite, tout le reste n’était plus qu’une banalité », enchaîne Marc Friedman, porte-parole du Crif Toulouse.
Tags, insultes, crachats
Une banalisation qui prend la forme d’insultes à l’égard des rabbins dans la rue, de crachats parfois contre des membres de la communauté dont la judaïté est visible. « Nous avons aussi de plus en plus de cas d’Alya internes, les gens sont obligés de quitter leur quartier à cause de l’antisémitisme qui y règne. Il y a une réelle crainte de l’avenir, la plupart des jeunes commencent à réfléchir à ne pas faire leur vie en France », affirme avec amertume Marc Friedman.
« Ça fait peur, mais on se bat tous les jours, c’est pour cela qu’on est là. Moi je ne veux pas voir des noms rajoutés à la liste des personnes mortes parce qu’elles étaient juives. Ça fait trop longtemps que ça dure », tranche Laura, une jeune femme qui a lu lors du rassemblement les noms de Myriam Monsonégo, d’Ilan Halimi ou de Mireille Knoll.