- English
- Français
Lire le dossier en intégralité
Présentation du dossier
La Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales (CIDR) (1) prévoit expressément en son article 4 le recours à la répression pénale contre le racisme. Selon les principales instances internationales et l’ONU, ces restrictions peuvent être considérées comme légitimes pour lutter contre le racisme, non seulement sur la base de la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales (articles 4 et 1 notamment) et selon la jurisprudence établie par le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) (2) mais en vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (3).
Bien plus, concernant l’article 4 de la CIDR, on insiste aujourd’hui sur l’application effective de celui-ci. L’article 4a est en effet particulièrement clair à ce sujet : la diffusion active de propagande raciste est punissable pénalement. Et de rappeler, à propos des libertés en général, que « celles-ci ne pourront en aucun cas s’exercer aux dépens des droits d’autrui reconnus par l’ONU dans l’ensemble de ses instruments internationaux et en particulier au chapitre i de la Charte de l’ONU et à l’article 30 de la Déclaration universelle (4). »
Il ressort ainsi clairement de cette disposition, que « la liberté d’expression ne peut être utilisée pour promouvoir le non-respect des droits de l’homme (5). »
En France, la protection contre toutes les formes de discrimination a été inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
On nous demande souvent si le dispositif législatif en France est suffisant pour lutter contre le racisme sur Internet ?
En France, de nombreuses lois donc forment le dispositif français de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Par exemple, pour punir les infractions à caractère raciste, la loi prévoit différentes sanctions pénales allant de l’amende, à la privation des droits civiques et à l’emprisonnement. Par exemple encore, l’injure raciale est punie de 6 mois d’emprisonnement au plus et/ou d’une amende pouvant aller jusqu’à 22 500 € ; le refus de fournir un bien ou un service fondé sur une discrimination nationale, ethnique, raciale ou religieuse peut être sanctionné de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 € au plus. Quant à la lutte contre le racisme sur Internet, elle continue d’occuper une part majeure de la réflexion en cours (6). Bref, de nombreuses lois forment le dispositif français de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Il n’est pas inutile de rappeler alors ce qu’il en est brièvement et sans trop entrer dans le détail. Ce document de travail n’a pour objet d’être exhaustif -il n’est pas non plus une expertise juridique- mais de rappeler l’essentiel.
Qu’est-ce que la loi du 29 juillet 1881 ? De quoi s’agit-il ?
La loi du 29 juillet 1881 s’articule autour de quatre grandes spécificités. Ces spécificités sont rappelées dans un document ministériel (7) :
- Un régime administratif de la presse écrite exempt de tout contrôle préalable comportant une obligation de déclaration auprès du Procureur de la République et des formalités de dépôt des publications périodiques.
- La définition de diverses infractions (diffamation, provocation aux crimes et délits...) visant à instituer un équilibre entre la liberté d’expression et la protection des personnes- susceptibles d’être caractérisées quelque soit le support et le moyen de l’expression (écrit, parole ou image sur la voie publique, la presse, la télévision...).
- L’établissement d’un régime de responsabilité pénale spécifique instituant une présomption de responsabilité du directeur de la publication.
- La mise en place d’un régime procédural particulier, dérogeant au droit commun, avec des règles contraignantes limitant les poursuites, notamment une prescription des infractions réduite à trois mois, afin de protéger la liberté de la presse (8).
Au final, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, révisée en 1972, définit plusieurs infractions réprimant la tenue de propos racistes ou antisémites.
Notes :
1. https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/cerd.aspx
2. La surveillance de l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est assurée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Committee on the Elimination of Racial Discrimination – CERD). Le Comité, qui se compose de 18 experts indépendants, a commencé son travail en 1969. Il a pour fonction de contrôler les rapports des Etats, qui d’après l’article 9, doivent être présentés tous les deux ans (le premier rapport devra être présenté un an après l’entrée en vigueur de la Convention).
3. Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966.
4. Le 10 décembre 1948, les 58 États Membres qui constituaient alors l'Assemblée générale ont adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme à Paris.
5. S’inquiétant dès 1996 de la résurgence du racisme lié au contexte social et économique, l’Organisation des Nations unies a constaté que cette résurgence coïncidait avec les progrès massifs des techniques de la diffusion de la propagande raciste et xénophobe dans le monde. Elle s’est ainsi interrogée sur le rôle joué par le « réseau des réseaux informatiques. ». Cette préoccupation des institutions onusiennes devant l’usage d’Internet comme instrument de propagation de la haine raciale apparaît dans un grand nombre de textes et de travaux préparatoires réalisés en vue de la Conférence mondiale sur le racisme. C’est le cas notamment du rapport de Maurice Glélé-Ahanhanzo, du 15 janvier 1999 (E/CN.4/1999/15) ; du rapport du groupe de travail de session à composition non limité chargé d’étudier et de formuler des propositions pour ladite Conférence, du 16 mars 1999 (cf., ch. 51, p. 12 et ch. 77 et 81a, p. 17 de E/CN.4 1999/16) ; du document préparé par la Commission des droits de l’homme, en date du 20 avril 1999 (cf. § 9, p. 2 ; § 8, p. 4 ; § 34 ; p. 6) ; du rapport présenté par M. Obka-Onyango, du 22 juin 1999 (E/CN.4/Sub.2/1999/8), cf., p. 5, ch.15 et p. 11, ch. 33 ; ainsi que du document de la Sous-commission de la promotion et protection des droits de l’homme du 13 août 1999 (page 6. lettre h. E/CN/4/Sub.2/1999).
6. « Il nous faut aller plus loin. » C’est en ses termes qu’Emmanuel Macron en mars 2018 promettait une lutte renforcée contre la haine raciste et antisémite qui prospère sur Internet, lors du premier dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), sous son quinquennat. Devant un millier d’invités, le chef de l’État dit vouloir mener « cette année » au niveau européen « un combat permettant de légiférer pour contraindre les opérateurs à retirer dans les meilleurs délais » les contenus haineux en ligne. Devant cet auditoire, le président annonçait qu’une mission serait alors confiée par le gouvernement à Gil Taïeb, vice-président du Crif, à l’écrivain Karim Amellal et à la députée Laetitia Avia, sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet. Voir à ce sujet : Marc Knobel, L’Internet de la haine. Racistes, antisémites, néonazis, intégristes, islamistes, terroristes et homophobes à l’assaut du Web, Paris, Berg International Editeurs, 2012, 181 pages, et Marc Knobel, « Lutter contre la haine en ligne : des avancées prochaines ? », La revue civique, septembre 2018.
7. Dossier thématique du ministère de la Culture, publié le 25 juin 2003.
8. Idem.