Actualités
|
Publié le 14 Décembre 2015

La "dédiabolisation" ratée de Marine Le Pen

Incapable de trouver des alliés, l'extrême droite est condamnée à la défaite.

Par Renaud Dély, éditorialiste, publié dans le Nouvel Observateur le 14 décembre 2015
 
Pour le Front national, les dimanches d'élections se suivent et ne se ressemblent pas. Sa percée historique au premier tour de la semaine dernière pouvait lui laisser espérer jusqu'à quatre conquêtes régionales. Le parti d'extrême droite est finalement sorti bredouille du second tour. L'échec est rude.
 
Pire encore, la famille Le Pen a subi deux lourdes défaites dans les duels qui l'opposaient à la droite dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie comme en Paca, où la gauche s'était retirée. Dans ces deux régions, malgré près de quinze points d'avance au premier tour, la tante, Marine Le Pen, et sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, s'inclinent lourdement en progressant à peine d'un tour à l'autre. Dans le grand Est, comme en Bourgogne Franche-Comté, Florian Philippot et Sophie Montel ne parviennent pas davantage à profiter de triangulaires périlleuses pour se faufiler jusqu'à la présidence de région, les deux candidats du FN recueillant quasiment les mêmes scores qu'une semaine plus tôt.
 
Pour les Français, le FN n'est pas un parti comme les autres
 
Ce cru 2015 des régionales est donc lourd d'enseignements tant pour mesurer la dynamique du FN que pour analyser les lourds handicaps qui le tiennent encore éloigné du pouvoir. Certes, avec 6,6 millions de voix, le parti d'extrême droite dépasse le meilleur score de son histoire, quand il avait recueilli 6,4 millions de suffrages au premier tour de la présidentielle de 2012. Depuis trois ans, le FN progresse d'ailleurs de façon continue de scrutin en scrutin : municipales, européennes, départementales et donc désormais régionales.
 
Toutefois, sa nette défaite au second tour démontre une fois de plus que pour l'écrasante majorité des Français, le FN n'est toujours pas un parti comme les autres. Quarante-trois ans après sa création, il reste un parti d'extrême droite hostile aux valeurs républicaines et c'est bien ainsi que les électeurs le perçoivent. C'est ce que démontre le mouvement combiné d'un sursaut de mobilisation, la participation ayant fait un bond record de huit points, et de l'excellent report des électeurs de gauche sur Xavier Bertrand et même sur Christian Estrosi au profil pourtant peu socialo-compatible…
 
Le front républicain a porté ses fruits
 
Bref, comme lors du second tour des départementales de mars dernier, partout où l'extrême droite était en position de l'emporter, les électeurs ont fait bloc pour repousser ce danger. En décembre 2015, comme en mai 2002 lors de la présidentielle, cette stratégie du "Front républicain" continue de porter ses fruits et c'est là une fort mauvaise nouvelle pour Marine Le Pen. La stratégie qu'elle a baptisée "dédiabolisation", c'est-à-dire le maquillage du FN en parti fréquentable, ne fonctionne pas, ou du moins pas assez. La présidente du FN a eu beau s'appliquer à donner des gages, comme la mise en scène du sacrifice de son père, rien n'y a fait : le Front national est un parti qui continue d'inspirer la peur à une nette majorité de Français, ce qui le condamne à la défaite en duel au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, sauf dans de rarissimes exceptions locales, municipales ou cantonales.
 
Des tensions internes à prévoir au FN
 
Bien entendu, Marine Le Pen et ses lieutenants s'appliquent déjà à faire porter le poids de ce nouvel échec sur les turpitudes du fameux "système politico-médiatique". Il n'empêche qu'un débat stratégique pourrait bien se rouvrir dans les mois qui viennent au sein du FN.
 
Seul contre tous, le parti d'extrême droite ne parvient pas, et ne parviendra sans doute jamais, à décrocher des positions de pouvoir nationales. Doit-il s'efforcer de séduire et de s'attacher le soutien de partenaires potentiels qui seraient autant de renforts indispensables au second tour ? Cette question va se poser de nouveau dans les rangs frontistes... Lire l'intégralité.