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Par Julie Clarini, publié dans le Monde le 26 mars 2015
On aurait pu ne jamais lire leurs Mémoires, dont le Monde publie les bonnes feuilles, ce jeudi 26 mars 2015, et c’eût été dommage. Au fond, ni l’un ni l’autre ne trouvaient vraiment nécessaire ce travail d’inventaire et d’introspection, au couchant d’une vie. Beate et Serge Klarsfeld s’en expliquent à la fin du livre : ce qui compte, à leurs yeux, ce n’est – et cela n’a jamais été – que leur action. Or leur long combat en faveur de la justice et de la mémoire, leur obstination à dénoncer l’impunité des criminels nazis, fut public, médiatique même. Quel besoin d’en rajouter ? « Le personnage que j’incarne est bien plus grand que moi, je le sais », écrit simplement Beate, faisant montre d’une retenue qui caractérise ses textes comme ceux de Serge, avec lesquels ils alternent.
C’eût été dommage parce que, dans la confrontation avec l’Histoire, certains se révèlent sans que soit jamais résolu le mystère de leur engagement. Et que ces Mémoires nous le rappellent aussi bien qu’une pièce de Sartre. Les Klarsfeld ne trouvent guère les mots pour décrire ce moment de 1967 qui décide de leur vie. En ce dernier mois d’été, Beate vient d’apprendre qu’elle est révoquée de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) pour avoir dénoncé dans la revue Combat le scandale que constituait l’élection de Kiesinger, ancien nazi, au poste de chancelier en Allemagne fédérale. Révolté, le couple choisit de mener l’offensive. La première. « Une fois engagé, le destin de chaque homme est figé par ses actes », avance Beate…
L’obsession de la mémoire
Au fil de leur récit croisé, il apparaît que Beate agit « au nom des Allemands » pour prouver au monde la conscience et la volonté démocratique de ses concitoyens, Serge « au nom des juifs ». Il se nomme lui-même « chasseur d’âmes juives disparues » plutôt que « chasseur de nazis », titre dont on l’affuble. L’obsession de la mémoire le pousse à passer le barreau pour préparer les procès, à rassembler des documents sur les déportations – il signera le monumental Vichy-Auschwitz (Fayard, 1983-1985) –, à fonder, en 1979, l’association des Fils et filles des déportés juifs de France. Dans les années 1980, l’obstination du couple se voit récompensée par l’arrestation de Klaus Barbie, ancien chef de la Gestapo à Lyon, enfin expulsé de Bolivie, puis par son procès. S’enclenche, en parallèle aux traques des nazis allemands, un nouveau tournant, celui des offensives contre des personnalités de Vichy (Bousquet, Leguay, Touvier et Papon) – une partie de leur histoire mieux connue. Mais rien ne s’arrête jamais : « militer encore et jusqu’à la fin », notamment aujourd’hui contre Dieudonné… Lire l’intégralité.
Mémoires, de Beate et Serge Klarsfeld, Flammarion, 686p., 26 €.
Signalons, de Serge Klarsfeld, la réédition en poche du Combat d'une vie. 25 ans à traquer les nazis, J'ai lu, « Librio », 80 p., 3 €.
Source : http://www.lemonde.fr/livres/article/2015/03/25/beate-de-serge-klarsfeld-un-couple-de-justiciers_4601231_3260.html#P6JCOHXIxrMUbAep.99