Tribune
|
Publié le 11 Mars 2015

Sur le Net, l’info «dissidente» et «subversive» devient vecteur d’antisémitisme

La loi Gayssot entendait punir la négation de la réalité matérielle de la Shoah. Cet antisémitisme-là est désormais dépassé.
 

Par Jean-Yves Camus            , publié dans Actualité Juive le 10 mars 2015
Désormais, être antijuif sur le Net passe par le conspirationnisme et l’antisionisme radical. L’extrême-droite n’en a plus l’exclusivité.

L’impact de l’antisémitisme sur Internet peut s’évaluer par les statistiques. Il faut alors regarder leur place dans le classement des sites français le plus fiable, celui d’alexa.com, qui mesure leur fréquentation. On voit alors, sans surprise, que c’est le complotisme dans sa version soralo-dieudonniste qui fait le plus recette. Les sites «spécialisés» les plus consultés sont «quenelplus» et «Egalité et Réconciliation», respectivement classés au 318è et 348è rang des 500 sites français. Certains en déduiront que ces sites sont confidentiels. Erreur : ils sont davantage regardés que celui de France-Inter, des Inrockuptibles, que Slate et Mediapart. La troisième personnalité la plus en vue du milieu complotiste, Thierry Meyssan, affirme que le site du Réseau Voltaire qu’il dirige, recevait en 2011 plus de 700.000 visiteurs uniques chaque mois, ce qui est considérable.
Pour ce qui concerne les vidéos, nous avons fait un test : nous avons regardé la liste des 60 les plus vues sur You Tube le 1er mars. En 43è position arrive un «reportage» d’Apocalypse France (un site «dieudo-conspi-antisioniste») visant à démontrer que l’attentat contre Charlie Hebdo est une action sous faux drapeau et en 60è position, une déclaration de Tariq Ramadan, présentée sur la chaîne «Partie de la vérité», sur le même sujet et dans la même optique. Sur You Tube toujours, certaines vidéos de Dieudonné totalisent plus de 1 million de vues et Alain Soral, qui a atteint le même niveau sur l’affaire Charlie, attire en général entre 100.000 et 150.000 regards. Cela laisse très loin derrière les petites célébrités de l’ultra-droite antisémite : Florian Rouanet et Hervé Ryssen, proches de l’œuvre française ; Boris Le Lay animateur du site Breizh Atao ou Daniel Conversano, qui dit incarner «le fascisme à l’état brut».
Génération post-négationniste
Il ne faut pas les ignorer pour autant. Ils incarnent en effet la génération post-négationniste. Alors que la législation antiraciste de 1990 avait été votée pour contrecarrer Robert Faurisson et ses émules, les négationnistes apparaissent désormais dépassés. Leurs sites et leurs vidéos sont vieillots, ennuyeux et répétitifs : http://robertfaurisson.blogspot.fr  ou la page de Vincent Reynouard, http://www.phdnm.org , ne parlent plus qu’aux fidèles vieillissants de cette idéologie. Leurs défauts ? D’une part être devenus des « négationnistes institutionnels » accrochés à la publication de livres et de brochures indigestes, parce qu’ils ne sont pas des produits de la génération réseaux sociaux. D’autre part, être une secte fermée : les post-négationnistes eux, acceptent de partager leur obsession anti-juive avec tout le monde et ne cherchent en rien à dissimuler leur antisémitisme, ils l’assument. Pour s’en rendre compte, allez voir les pages de Meta TV et d’Independenza TV par exemple. Meta TV, animée par l’ancien rappeur noir dionysien Tepa, peut ainsi inviter des partisans de la supériorité de la race blanche, des islamo-gauchistes et des néo-fascistes. Tout le monde accourt et se serre la main, sitôt qu’il s’agit de dénoncer les Juifs et Israël comme cause de tous les maux. Ainsi fonctionne la sphère de la «réinformation», de la «dissidence» sur Internet. Son mot d’ordre : proposer, comme l’affirme le site Panamza, une «information subversive». Lutter contre la «subversion

» étant devenu un mot codé pour «voir des Juifs partout»…Lire l’intégralité.