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Publié le 12 Décembre 2014

« Rencontre de Rebecca au puits », par Sandrine Caneri

Une recension d’Olga Lossky

Peu d’études s’intéressent à ce jour aux sources juives de notre tradition chrétienne, en particulier à l’interprétation rabbinique des Écritures comme susceptible d’enrichir notre propre vision de la Bible. Par son ouvrage Rencontre de Rebecca au puits, Sandrine Caneri vient palier ce manque en présentant le regard croisé des Rabbins et des Pères concernant la péricope Gn. 24, 10-21, qui raconte la rencontre du serviteur d’Abraham avec Rebecca.

Dans sa préface au livre, le Père Jean Breck justifie la démarche de l’auteur : « Cette façon de lire l’Ancien Testament qui n’est pas coupé du Nouveau Testament, comme nous le faisons trop souvent aujourd’hui, est profondément enracinée dans l’esprit patristique. Il y a dans l’Ancien Testament un fond indispensable pour saisir le sens et littéral et spirituel du Nouveau Testament. […] La méthodologie développée ici pour révéler cette théorie est non seulement bonne, mais essentielle pour toute œuvre exégétique. »

Vice-Présidente de l’Amitié-Judéo-Chrétienne-de-France, Sandrine Caneri est une bibliste orthodoxe qui a étudié de façon approfondie la tradition Juive.

Elle commence ici par établir la proximité des versions hébreu et grecque du texte, avant de proposer un corpus restreint dans le temps d’auteurs juifs et chrétiens ayant commenté la péricope, ainsi que trois Targumim (traductions interprétatives de la Bible en langue vernaculaire, menées à différentes époques du Judaïsme). Vient ensuite l’analyse de ces commentaires, regroupée en sept thèmes, d’où il ressort à la fois la proximité et la complémentarité entre les interprétations rabbiniques et patristiques.

Cette convergence des deux traditions culmine dans la dernière partie de l’étude, qui s’intéresse au vécu liturgique tiré de la péricope. L’auteur présente une mosaïque de la scène, montrant combien l’iconographie byzantine peut être vue comme un Targum de l’Écriture, ainsi que le sens du couple Isaac-Rebecca dans les prières du mariage, qu’elle rapproche avec une analyse des prières du Shabbat où le couple des patriarches est également très présent. « L’Orient chrétien des Pères et la Tradition juive encore de nos jours chantent, à leur insu peut-être, des mélodies qui s’harmonisent », en conclut l’auteur. La lecture de cette étude, à la fois d’une grande rigueur d’analyse et abordable par un large public, nous en convainc.

L’ouvrage révèle un champ quasi vierge d’investigations et suggère la richesse d’une démarche comparative entre les traditions juive et chrétienne, tant sur le plan biblique que liturgique. Un tel travail nous amène non seulement à mieux connaître notre propre tradition à la lumière d’Israël, mais encore à découvrir à quel point nos frères juifs nous sont proches dans le vécu contemporain de leur tradition.

(Quelques phrases de la postface de Rivon si tu veux... je peux réécrire quelque chose en tenant compte de ce qui est préférable pour vous. Merci. :

"le travail de Sandrine Caneri est également prometteur, car, comme on peut s’en rendre compte avec l’échantillon de lecture comparative qu’elle nous propose, nous sommes encore au tout début d’une approche synoptique systématique de l’exégèse qui mériterait d’être étendue avec la même rigueur et exigence sur l’ensemble des textes bibliques. J’ajouterai aussi : de se déployer avec la même probité ou tout simplement la capacité de se défaire de tout esprit triomphaliste qui chercherait à travers le recours à la comparaison à donner raison ou même la note d’excellence à sa propre tradition religieuse. C’est ce que le climat apaisé entre Juifs et Chrétiens autorise et exige désormais. (...)

Je n’ai pas fini d’écrire cette postface que déjà je pressens – en tout cas je l’appelle de mes vœux – que Sandrine Caneri saura poursuivre son œuvre de rapprochement des sources et des cœurs."   

CRIF