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Réponse : Je vais vous donner l’arrière plan de ce livre. Mon livre est un court essai qui rassemble trois textes sur des questions apparemment différentes. Je pose la nécessité d'un examen moral pour les juifs et Israël. Le premier texte propose l'interrogation éternelle sur l'identité juive et la peur qu'elle suscite chez les non juifs comme racine de l'antisémitisme ; le second s'interroge sur l'avenir de la révolution sioniste ; le troisième pose la question du droit des Juifs sur la terre d'Israël.
Question : Parlez vous également de la diaspora ?
Réponse : Je donne beaucoup de conférences en Israël. Je suis Israélien et mon problème c’est avant tout Israël et sa survie. La diaspora n’occupe pas mon esprit, parce que la diaspora existe depuis 2500 ans et qu’elle continuera d’exister de toute manière.
Question : Selon vous, qu’est ce que la légitimité d’Israël ?
Réponse : Lorsque le sionisme parle de la normalisation des Juifs, cela veut tout simplement dire que les Juifs sont responsables de leur vie et de leurs actes. La légitimité d’Israël c’est la présence juive en Israël, mais cette légitimité morale n’est pas reconnue par le monde arabe. Même les arabes les plus pacifiques n’ont pas donné de légitimité aux Juifs. Alors j’examine toute cette question parce que je sais qu’Israël a une légitimité. Ce n’est pas une étude historique mais une sorte de thèse.
Question : Et l’identité juive ?
Réponse : Un Hollandais par exemple vit son identité en Hollande. S’il quitte son pays, que restera-t-il de ses racines ? Un Juif lui, peut garder tout cela, parce qu’il a un sentiment d’appartenance à une nation et à une religion.
Question : Vous réfutez les arguments habituels lorsque vous expliquez qu’il faut séparer nationalité et religion ?
Réponse : Pour Israël, je pense qu’il faut séparer la nationalité -qui n’est pas simplement comparable au concept de citoyenneté- et la religion. Vous comprendrez que la problématique n’est pas la même qu’en France. En France, les commentateurs se demandent si un jour la question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat sera à l’ordre du jour dans mon pays. Or, Israël n’est pas une théocratie mais une démocratie. Moi, je parle de séparer nationalité et religion. En Israël, des gens qui ont la citoyenneté israélienne ne reconnaissent pas leur identité (israélienne), je trouve cela terrible.
Question : Que pensez-vous du désengagement qui est intervenu à Gaza ?
Réponse : J’ai été très fier de ce qui s’est passé dernièrement à Gaza, le désengagement. Vous avez vu, pas un seul Juif n’a été blessé ou tué. Le désengagement s’est effectué dans le calme. De mon point de vue, ce qui s’est passé est une grande victoire car les soldats n’ont pas écouté les quelques Rabbins qui voulaient qu’ils désobéissent aux ordres. Les soldats ont obéi à leur gouvernement et à leurs supérieurs hiérarchiques. C’est un signe et ce signe marque une évolution.
Question : Et l’antisémitisme dans tout cela ?
Réponse : J’ai toujours vécu en Israël, je n’ai pas senti l’antisémitisme. Mais récemment, en Europe notamment, de violentes attaques ont été perpétrées contre les Juifs. J’ai envie de citer le penseur juif Yeschaya Berlin qui disait que « l’antisémitisme c’est haïr les Juifs plus que nécessaire. » Je crois que c’est le cas lorsque l’on compare Ramallah et Auschwitz. La parole antisémite absurde provient de tout le monde, j’essaye alors de voir s’il y a une racine commune aux différentes formes d’antisémitisme et pourquoi ce fléau traverse les âges.
Propos recueillis par Marc Knobel
Notes :
1. Né à Jérusalem en 1936, Avraham B.Yehoshua est l'un des plus grands écrivains israéliens. Récompensé par le prestigieux Grand Prix de littérature d'Israël pour l'ensemble de son oeuvre, il a su conquérir le public français avec, notamment, L'Amant (1979), Au début de l'été 1970 (1980), Un divorce tardif (1983), L'Année des cinq saisons (1990), Monsieur Mani (1992, Prix Wizo 1993), Shiva (1995) Voyage vers l'an mil (1998) et La Mariée libérée (2003).
2. Avraham B.Yehoshua, Israël un examen moral, Traduit de l’hébreu par Denis Charbit, Calmann Levy, Paris, août 2005, 13 euros.