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Publié le 21 Novembre 2014

Émile Shoufani : « Pas de ségrégation pour les Chrétiens ou les Musulmans en Israël »

Publié dans l’Opinion, le 21 novembre 2014

Pour le Père Émile Shoufani, « la résolution du conflit israélo-palestinien passe par l’entente entre l’Europe et les Etats-Unis. Or ce n’est pas le cas ».

Le prix de l’AJCF récompense notamment votre action menée auprès des jeunes Arabes d’Israël – Chrétiens et Musulmans confondus – pour les sensibiliser à l’importance de la Shoah dans la mentalité israélienne. À titre personnel, quand en avez-vous pris conscience ?

L’Orient ne connaissait pas la Shoah. Pour nous, la Seconde Guerre mondiale, qui s’est déroulée en Occident, se résumait à la bataille de Stalingrad et à la victoire des communistes sur les nazis. Nous n’avons pas perçu la réalité de cette idéologie nazie déterminée à exterminer tout un peuple. Pour moi, la prise de conscience a eu lieu en 1966 quand j’ai visité le camp de Dachau en Allemagne. Là, j’ai senti comme quelque chose qui m’étranglait. Mais mon approche de ce vécu juif restait très intellectuelle. C’est en l’an 2000, lorsque la deuxième Intifada a réactivé toute la réalité de la menace contre les Juifs, que j’ai découvert à quel point cette souffrance était terriblement vivante dans le cœur, le ventre et la tête des Juifs.

Vous êtes arabe culturellement, Chrétien spirituellement et israélien de citoyenneté. Est-ce que, parfois, vous vous sentez déchiré entre ces trois identités ?

Il y a même une quatrième dimension, celle de l’Orient ! Je suis un Chrétien de l’Orient et non de l’Occident, je dis cela non pas pour me désolidariser, mais parce que je vois les choses autrement. Je me sens tout à la fois, israélien, arabe, chrétien, et oriental sans que j’éprouve le besoin d’étouffer l’une ou l’autre de ces dimensions. Je pleure si une maman perd son enfant, qu’elle soit juive, chrétienne ou musulmane. Dans ce cas, ce qui nous définit, ce n’est plus une identité – si ce n’est celle d’être humain - mais le fait de voir une réalité humaine dans les autres appartenances.

Prenons un exemple concret. L’été dernier, lors du conflit entre Israéliens et Palestiniens à Gaza, il y a eu des morts des deux côtés, mais beaucoup plus du côté palestinien. Il y a un net déséquilibre quantitatif. Est-ce que dans ce cas, compte tenu de votre histoire personnelle, vous ne vous sentez pas plus arabe qu’israélien ?

Je n’accepte pas cette manière de voir. C’est une analyse journalistique qui n’a rien à voir avec la réalité humaine à laquelle on est exposés. La mort c’est la mort. Quand vous voyez des parents pleurer la perte de leur enfant, vous ne pouvez pas ne pas être pris aux tripes parce que chacun d’entre eux est unique.

De récents incidents ont eu lieu à Jérusalem à propos du Mont du Temple-Esplanade des Mosquée, un lieu saint pour les Juifs et les Musulmans. Cependant, vous considérerez que ce conflit n’est pas religieux ?

Non, les lieux saints ne sont pas sujets à discorde, ce sont les comportements de certains qui sont en cause, à savoir quelques 200 à 300 Juifs qui font de la provocation en priant sur l’Esplanade, ce qui est contraire au statu quo existant depuis 1967. À l’époque, le gouvernement israélien a donné la gérance de ce lieu à la Jordanie et n’a pas demandé de changement depuis. En outre, le Grand Rabbin d’Israël, Itzhak Yossef, a clairement demandé que les Juifs ne prient pas sur l’Esplanade. Ceci dit, un changement dans le statu quo est négociable. Il existe un précédent avec l’accord sur le Caveau des Patriarches à Hébron (ndlr : Accord intérimaire d’Oslo II de 1995). Pendant des années, Juifs et Musulmans se sont battus pour ce lieu. Et finalement, on est arrivés à réguler les visites des uns et des autres. Désormais, il n’y a plus d’incident sur ce lieu saint… Lire la suite.

Source: http://www.lopinion.fr/16-novembre-2014/emile-shoufani-pas-segregation-chretiens-Musulmans-en-israel-18446