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Nous avons présenté ici même une « Histoire de la chirurgie esthétique. De l'antiquité à nos jours » du docteur Sydney Ohana (1) puis le remarquable travail du docteur Bruno Halioua, « La médecine au temps des Hébreux » (2) et, plus récemment, du professeur Samuel Kottek, « La Bible, la santé et l'hygiène » (3). C'est au tour du docteur Ariel Toledano, phlébologue, fils du Rabbin Joseph Toledano et descendant d'une lignée de Rabbins marocains, de nous proposer son point de vue sur la question.
Dans un ouvrage remarquablement documenté, par le biais de chapitres courts, l'auteur examine tous les aspects de la médecine au temps du Talmud. Et s'il est vrai que la préoccupation des « rofé », par delà le soin apporté au malade pour espérer sa guérison, était surtout d'être en conformité avec la Halakha, il n'en demeure pas moins que les connaissances des Hébreux étaient très en avance sur leur temps. Il n'est donc pas exagéré de prétendre, comme le dit le chapitre d'introduction, que le Talmud aura été le précurseur de la médecine moderne.
Ariel Tolédano ne fait l'impasse sur aucune branche de la médecine : de la gynécologie aux maladies cardiovasculaires à la dermatologie ou aux affections neurologiques. On y évoque même la spondylarthrite et le cancer.
Régulièrement, le savoir des Hébreux est comparé à celui du fameux Gallien, aux travaux du célèbre Hippocrate ou encore à l'école d'Hérophile.
L'auteur rappelle à de nombreuses reprises le principe fondamental du judaïsme : « Kol safek nefashot dohé el hashabat », à savoir que si un homme (ou une femme bien entendu) est en danger, tout doit être mis en œuvre pour le sauver même si l'on doit profaner le jour du shabbat.
Des anecdotes savoureuses parsèment l'ouvrage. Ainsi, dans le traité Houlin, rabbi Yossi Ben Hamechoulam rapporte l'histoire d'une personne qui a présenté une lésion du crâne et qui a subi une intervention chirurgicale afin de voir combler la perte de substance par...un morceau de potiron. Les envies des femmes enceintes font l'objet d'un chapitre édifiant. Et là, il n'est pas question de fraises ou de chocolat, mais d'aliments prohibés. Que faire si une femme enceinte réclame avec insistance une côte de porc ? Le traité Yoma du Talmud a prévu la situation : « Quand une femme enceinte est prise d'envie de manger de la viande sacrée ou de la viande de porc, dont elle a senti l'odeur, il faut d'abord lui donner seulement le jus de ces viandes. Si elle s'en contente, tant mieux, mais sinon, il faut lui permettre de manger ces viandes, car quand il s'agit de la vie d'un être humain, rien ne doit être interdit, sauf l'idolâtrie, l'inceste et l'assassinat ».
Un cas très intéressant est celui qui montre que des siècles avant Pasteur, Rabbi Mathia ben Harrashe, l'un des rédacteurs de la Mishna avait mis au point un procédé qui rappelle la vaccination. Pour traiter une personne qui avait été mordue par un chien atteint de la rage, il lui fit manger une partie du lobe du foie de la bête préalablement abattue. Malgré l'opposition de certains des ses confrères, qui mettaient l'accent sur la non-cacheroute d'un foie de chien, Mathia ben Harrashe utilisa avec succès sa méthode qui fonctionnait, mais dont il était incapable d'expliquer la raison. Il avait tout simplement, sans le savoir, induit une réponse immunitaire avec production d'anticorps dirigée contre la rage.
En annexe, Ariel Tolédano dresse la liste commentée des 63 traités du Talmud et un panorama saisissant des grands médecins de l'époque talmudique.
Remarquable.
(*) Éditions In Press. Avril 2014. 280 pages. 19 euros.
(1) Éditions Karen, 2008. Voir notre recension dans la Newsletter du 22-08-2008.
(2) Éditions Liana Levi, 2008. Voir notre recension dans la Newsletter du 10-10-2008.
(3) Éditions Glyphe, 2012. Voir notre recension dans la Newsletter du 27-04-2012.