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Q : Est-ce que ce n’est pas typiquement le type de mesures, où l’autocensure où l’autorégulation ne peut pas marcher puisqu’il faut être d’abord d‘accord sur ce qu’est la définition d’atrocités de masse ?
Naturellement, c’est une initiative qui est en cours. Nous travaillons avec nos partenaires, à la fois du P5, mais également en dehors avec la société civile, pour réussir à proposer quelque chose qui ait un sens pratique. Pour ce qui est de la définition d’atrocités de masse, dans l’ensemble du droit international il y a quand même beaucoup de solutions agréées qui peuvent répondre à cette définition. Ensuite, la question qui se pose est : qui va déterminer qu’il y a atrocités de masse ? Là également, on peut avoir des solutions du côté de l’Assemblée générale des Nations unies, de la Cour internationale de justice, du Conseil des droits de l’Homme. Vous voyez, il y a des solutions. Ensuite, celui qui va dire à l’ensemble des membres permanents qu’il faut activer le code de conduite, c’est-à-dire qu’il ne faut pas user du droit de véto, cela pourrait être par exemple le Secrétaire général. Mais pour chacune de ces étapes, nous sommes en train de travailler avec nos partenaires. Ce matin, j’étais à un séminaire que nous avons organisé à New York pour voir quelles sont les solutions qui peuvent convenir.
Q : Est-ce que les cinq grands du Conseil de sécurité sont prêts à ce type de mesures ?
Je pense que nos amis britanniques sont évidemment intéressés. Tout comme le Royaume-Uni, la France n’a pas utilisé son véto depuis vingt-cinq ans. Je ne vois pas dans quelles circonstances la France ou le Royaume-Uni utiliseraient leur véto dans le cas d’atrocités de masse. Les Britanniques sont intéressés, mais posent aussi des questions. Les Américains n’ont pas dit non, mais ils ont évidemment des questions dans le cadre de leurs responsabilités. En revanche, pour ce qui concerne la Russie et la Chine, pour l’instant, c’est une fin de non-recevoir.
Q : Est-ce qu’il y a quelque chose qui peut les faire changer d’avis de ce point de vue là ?
Je ne pense pas, mais il y a plusieurs manières d’aborder le problème. On peut essayer d’obtenir que les cinq membres permanents signent le code de conduite. C’est difficile qu’on y parvienne à court terme. Mais imaginez que le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France signent le code de conduite, cela sera quand même une pression morale très forte sur la Russie ou sur la Chine si on se trouve dans le cas d’atrocités de masse. Car il n’y a pas seulement les cinq membres permanents, il y a l’ensemble du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et au-delà, il y a l’opinion publique, les ONG. Cette opinion publique évolue, elle est active même en Russie.
Q : Est-ce qu’une bonne part de ce qui reste d’influence française dans le monde repose sur le statut de membre permanent du Conseil de sécurité et donc sur la capacité d’utiliser le véto ?
Comme je vous l’ai dit, la dernière fois que la France a utilisé son droit de véto, c’était il y a maintenant vingt-cinq ans et elle l’avait utilisé avec ses partenaires occidentaux. La dernière fois qu’elle l’a utilisé à titre national, c’était il y a presque quarante ans. C’est vrai que notre titre de membre permanent au Conseil de sécurité nous donne une influence dans la gestion des affaires du monde, mais cela n’est pas particulièrement lié à notre droit de véto. On ne voit pas les conditions dans lesquelles la France pourrait utiliser son droit de véto dans des cas d’atrocités de masse. Donc la France ne se prive de rien. Au contraire, elle montre qu’elle met en accord sa politique et ses valeurs.