Le CRIF en action
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Publié le 7 Juin 2005

Séminaire d’étude à l’ENM : les nouveaux visages du racisme et de l’antisémitisme

Le vendredi 3 juin 2005 s’est tenu un séminaire d'étude et de formation destiné à une trentaine de magistrats et une quarantaine d'élèves de l'Ecole Nationale de la Magistrature (ENM), en collaboration avec la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH). Des membres de la CNCDH assistaient également au séminaire ainsi que des syndicalistes et des militants antiracistes. Ce n’est pas la première fois que l’ENM de Paris organise un séminaire sur le thème de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. En 2002, l’ENM avait précisément abordé le sujet du racisme sur l’Internet.



Le séminaire du 3 juin 2005 abordait différents sujets :

Les nouveaux visages du racisme, notamment de l'antisémitisme. Les statistiques et leurs évolutions. Et surtout les pratiques. De plus en plus, les magistrats mettent en œuvre des pratiques innovantes qu'il est essentiel de mieux connaître.

Il a bien été montré que les phénomènes de racisme, d’antisémitisme et de xénophobie ont pris une ampleur et un caractère nouveau au cours de l’année 2004. Les actes effectivement recensés ont atteints des sommets exceptionnels et inquiétants en 2004. Le dispositif juridique de lutte contre le racisme, l’antisémitisme, les discriminations et la xénophobie a été renforcé au cours des derniers mois. Une sensibilisation des acteurs publics a été entreprise et commence à porter ses fruits, qu’il s’agisse, par exemple, du Comité interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (CILRA), présidé par le Premier ministre, ou de la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Dans le domaine de la justice, des textes nouveaux sont entrés en vigueur telle la loi du 3 février 2003 (Loi Lellouche) – érigeant en circonstance aggravante le mobile raciste, antisémite ou xénophobe de l’auteurs de certaines infractions – ou la loi du 9 mars 2004 (loi dite « Perben II ») qui a notamment étendu la prescription de l’action publique. Ont été également prises des initiatives marquantes, notamment la désignation d’un magistrat référent dans chaque parquet général. Il reste que les décisions judiciaires restent rares, ainsi que le souligne le rapport de la CNCDH, constat qui a ouvert une polémique publique sur l’effectivité de la réponse de l’institution judiciaire. Le « judiciaire » reste pourtant un maillon essentiel de la lutte contre le racisme, au même titre que la prévention et l’éducation.

En matière de choix des poursuites, de politique d'action publique, de jugement des tribunaux, ce séminaire a été l'occasion de faire dialoguer des magistrats (Nathalie Beccache, vice-procureur à Paris ; Hervé Hamon, président du Tribunal pour enfants de Paris ; Eric Vaillant, substitut général à Metz ; et des praticiens de la société civile autour de plusieurs interrogations (Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS ; Guy Michelat, directeur de recherche émérite CNRS ; Joël Thoraval, président de la CNCDH). Marc Knobel, chercheur au CRIF, est intervenu pour parler de " La propagande raciste et antisémite sur l’Internet et sur la diffusion d’émissions racistes et antisémites dans des télévisions arabes " Il a évoqué les dispositions nouvelles qui s’appliquent à l’Internet depuis que la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a été adoptée.

Il a rappelé qu’aux termes de l'article 6-I.8 « L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

Il suffira de relever que la mesure sollicitée en l’espèce :

a) vise bien des personnes « dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne » visées à l’article 6-I.1 de la LCEN

b) se trouve formée contre les Fournisseurs d’Accès sur l’Internet après constatation de la défaillance des « personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services » visées à l’article 6-I.2 de la LCEN, cette défaillance résultant en l’espèce :

- de la non comparution des prestataires d’hébergement

- de l’inexécution de l’obligation de retrait d’un site

Le législateur souhaite donc « faire cesser un dommage occasionné », étant constaté :

- que l’interdiction d’accès appliquée par chaque FAI auprès de ses abonnés sur le territoire français aura bien pour effet d’empêcher la « publication », en tant qu’élément constitutif des délits de presse (le « dommage »), de se produire sur ce territoire via l’écran de l’internaute,

- que la combinaison des mesures collectivement appliquées par ces prestataires préservera de manière sinon absolue, très significative, l’Ordre public compte tenu du nombre et de la qualité des FAI représentés dans la présente instance qui regroupent sans conteste l’immense majorité des internautes Français.