Tribune
|
Publié le 5 Février 2014

Génocide rwandais: vingt ans après

Tribune de Dominique Quinio publiée dans la Croix le 4 février 2014

 

Le premier procès en France lié au génocide rwandais s’est ouvert mardi 4 février 2014 4 février devant la cour d’assises de Paris.

 

Juger les crimes d’un homme et non ceux d’un système. Rendre la justice, vingt ans après les faits, quand la mémoire n’est plus exactement précise. Rendre la justice pour un crime commis au Rwanda, dans un tribunal situé en France, un pays accusé de n’avoir pas réussi à enrayer l’horreur, voire d’en avoir été complice. On imagine l’ampleur de la tâche pour les juges et le jury, réunis depuis mardi 4 février 2014 à Paris : ils ne devront pas se laisser déborder par le caractère historique d’un tel procès. Ils n’auront pas à juger le génocide qui fit 800 000 morts ; ils auront à évaluer la stricte responsabilité de l’un de ses acteurs.

Le capitaine Pascal Simbikangwa est accusé de complicité de génocide, de complicité de crime contre l’humanité. Il aurait encouragé et aidé les miliciens hutus Interahamwe qui massacraient les Tutsis, et certains Hutus modérés, tentant de passer des barrages à Kigali et autour de Gisenyi. Les juges d’instruction s’en sont tenus à la complicité, ne pouvant étayer une accusation plus directe. C’est le premier procès d’un Rwandais génocidaire présumé se déroulant sur le territoire français (il s’était réfugié à Mayotte), au titre de la « compétence universelle » reconnue aux États pour ce type de crimes. Mais dans d’autres pays et au Rwanda lui-même, bien sûr, de nombreuses condamnations ont été prononcées.

 

Ce procès marque en France le prologue d’une année qui rappellera la mémoire de ce génocide « de proximité » où des hommes ont tué leurs voisins, hommes, femmes, enfants, dans une folie collective, laissant les survivants et les témoins – et sans doute les coupables – à jamais marqués. L’histoire n’a pas dit son dernier mot sur le facteur déclenchant de ces massacres, sur le rôle de pays comme la France, sur la responsabilité de l’Église catholique, sur le pouvoir du Président Paul Kagame… Cet approfondissement comme l’exercice de la justice sont nécessaires pour comprendre l’incompréhensible. Pour que la réconciliation entre Rwandais et entre les différents pays concernés puisse vivre une nouvelle étape. Le procès de Paris sera un élément de ce long et douloureux travail de mémoire… Lire à la source.