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Dans le cadre d’un atelier d’écriture, des étudiants de l’Université de la Rochelle ont écrit une farce, que certains jugent antisémite. Le président de l’université refuse de se prononcer. Peut-on rire de tout, qui plus est, à l’université? Pour n’avoir pas su, ni pu, répondre à ces questions, le président de l’Université de la Rochelle, Gérard Blanchard, se trouve aujourd’hui dans un drôle de maelstrom.
L’affaire a démarré début avril ; Dans le cadre de la semaine du théâtre étudiant, une vingtaine d’étudiants, de toutes spécialités et tous niveaux, ont donné quatre lectures publiques au théâtre Toujours à l’horizon, situé à la Rochelle. Auparavant ils avaient participé à un atelier d’écriture, animé par l’écrivain québécois Éric Noël, et écrit une pièce «Le rôle des vos enfants dans la reprise économique mondiale». Cette pièce, à visée humoristique, veut dénoncer des dérives de la mondialisation et de la folle finance. Elle met en scène une multinationale, Goldberg and Co, qui mise sur des nouveaux-nés. Une fois adultes, ces derniers doivent rapporter à leurs parents et à des investisseurs. Les Goldberg sont des calculateurs, obsédés par l’argent et leurs personnages diffèrent peu des portraits de juifs peu flatteurs dressés autrefois. Un peu plus loin dans la pièce, interviennent un cuisiner nazi - caché dans un bordel- et deux juifs religieux Cohen 1 et Cohen 2, décrits comme chasseurs de nazis. «Pourquoi cette obsession, il faut savoir pardonner» lance un comédien aux deux juifs. Il sort alors une liasse de billets et la leur remet. Fin de la traque de nazis: un des juifs, ainsi acheté, finit même par serrer la main du cuisinier.
Les 3,4,5 et 6 avril, devant environ 500 spectateurs, la lecture de la pièce - qui ne tourne pas uniquement autour des juifs- n’a pas créé de remous. Mais un maître de conférence en Biochimie, Michel Goldberg- cela ne s’invente pas- a fini par dénoncer les stéréotypes antisémites véhiculés par le texte.
«Je suis pour la liberté d’expression, surtout à l’université» explique-t-il «mais en écoutant le texte, j’ai été mal à l’aise. Si humour il y avait, il n’était pas au service d’une quelconque liberté de penser: il remuait des vieilles idées reçues sur les juifs et la cupidité».
Michel Goldberg prend d’abord rendez-vous avec le président de l’université, avec qui il entretient des rapports cordiaux. Il réclame la tenue d’un débat public avec les élèves, des responsables de l’université et du théâtre. Ce qui fut fait le 2 mai. «Les étudiants n’ont visiblement pas eu l’intention d’être antisémites, et c’est cela qui compte à mes yeux», affirme aujourd’hui Gérard Blanchard. «Ils ont voulu faire du second degré». Admettant des «maladresses» dans le texte, le président refuse donc d’en condamner le fond ; Il a tout de même fait interdire toute nouvelle représentation ou lecture au sein de l’université.
Michel Goldberg, à la fois combatif et accablé, refuse de lâcher l’affaire. Fils de résistants à qui la Belgique s’apprête à rendre hommage, il n’entend pas céder sur les mots et les principes. «Le second degré n’est souvent pas perçu comme tel» plaide-t-il. Depuis, il a reçu de nombreux soutiens, mais il a également essuyé quelques remarques acerbes.
Alerté, le président de la Licra, Alain Jakubowicz, a d’ailleurs écrit à Gérard Blanchard pour réclamer «des éclaircissements» sur toute l’affaire.