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Publié le 26 Avril 2013

Conseil de sécurité - Situation au Proche Orient - Intervention de Gérard Araud, représentant permanent de la France auprès des Nations unies (24 avril 2013)

 

En ce printemps 2013, le Moyen-Orient est miné par deux crises, qui appellent d’urgence une réponse de la communauté internationale.

 

Le processus de paix israélo-palestinien, tout d’abord.

 

L’urgence, nous l’avons souligné à maintes reprises, tient, à la menace qui pèse sur la viabilité même de la solution des deux États, solution qui constitue la seule issue juste et durable au conflit.

 

Nous nous réjouissons que les États-Unis partagent ce sentiment de l’urgence qu’il y a à agir et nous sommes résolus à appuyer leurs efforts en faveur d’une relance d’un processus de paix. Nous espérons que ces efforts aboutiront au retour des parties à des négociations directes sans conditions préalables et sur des bases crédibles, en vue d’un règlement définitif portant sur l’ensemble des questions du statut final.

 

Créer un environnement politique viable pour ces négociations passe notamment par l’adoption des mesures de confiance permettant de casser la logique de défiance entre les parties et de prouver aux populations qu’un meilleur futur est possible par la voie des négociations.

 

Nous sommes à cet égard préoccupés par la situation des prisonniers palestiniens et par les tensions que suscite cette situation. Au-delà de l’aspect humanitaire auquel les autorités israéliennes doivent être sensibles et qui doit les conduire à prendre d’urgence les mesures appropriées, nous les appelons à respecter l’ensemble de leurs obligations internationales vis-à-vis des détenus palestiniens quel que soit leur statut.

 

Il importe également de permettre le développement économique de la Palestine, tâche à laquelle s’est notamment consacré le Premier ministre démissionnaire Salam Fayyad dont nous avons salué l’action décisive pour la construction des institutions d’un futur État palestinien. À cet égard, la France attache une importance cruciale à la poursuite des pratiques de bonne gestion, qui ont conforté la crédibilité de l’Autorité palestinienne et lui ont valu la confiance et la reconnaissance de la communauté internationale. Il faut dépasser la logique de projets et permettre le développement de la zone C au bénéfice des Palestiniens. En outre, la cessation des démolitions et des confiscations constitue un impératif humanitaire, et nous déplorons pour la seule journée d’hier seize démolitions rapportées par le BCAH.

 

Au-delà, rien ne se fera sans volonté des parties d’avancer véritablement vers la paix. Nous nous félicitons de l’attitude responsable affichée ces dernières semaines par les dirigeants israéliens et palestiniens et leurs déclarations en faveur de la solution des deux États. Ces intentions doivent se manifester dans les faits. Les mesures unilatérales, en particulier la colonisation qui se poursuit en violation du droit international et mine les perspectives de paix, doivent être évitées.

 

De l’Autorité palestinienne, nous attendons qu’elle fasse un usage constructif de son nouveau statut aux Nations unies. Dans la perspective des deux États, la question de l’unité palestinienne ne peut également manquer de se poser. Nous soutenons les efforts du Président Abbas et appelons les acteurs régionaux à les appuyer pour progresser sur la voie d’une réconciliation sous son autorité et conforme aux engagements internationaux de l’OLP. Un changement de politique israélienne vis-à-vis de la bande de Gaza et la levée du blocus sont également des impératifs. Ils ne peuvent que consolider le soutien aux partisans de la paix de la part d’une population aujourd’hui sous le joug exclusif du Hamas. Cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité d’Israël. La France a fermement condamné les récents tirs de roquettes et rappelé son attachement au strict respect de la trêve.

 

En conclusion, je voudrais marquer à nouveau la disponibilité de la France à contribuer à un règlement final, notamment avec ses partenaires européens. Ce faible espoir doit être nourri d’un soutien concerté de la communauté internationale et notamment des acteurs régionaux, qui doivent être mieux associés à la recherche d’une solution, dans l’esprit de l’initiative arabe de paix.

 

En Syrie, il est difficile de déceler une lueur d’espoir.

 

On parle encore récemment de plusieurs centaines de civils, de femmes, d’enfants, massacrés par le régime et ses milices dans le quartier de Jdeidet el-Fadel. 4,5 millions de Syriens sont déplacés, 1,5 million sont réfugiés dans les pays voisins. Le bilan humain depuis le début de la crise approche désormais les 100 000 morts, en majorité des civils, ainsi que des dizaines de milliers de disparus.

 

La question se pose donc de savoir quand ce Conseil prendra les mesures nécessaires pour mettre un terme à ce calvaire. Ces mesures, nous les connaissons pour avoir essayé de les faire adopter dans cette enceinte :

 

tout d’abord, la saisine de la Cour pénale internationale pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Syrie, dont la responsabilité première et massive est imputable au régime de Bachar al-Assad ;

 

deuxièmement, une pression humanitaire accrue, à la fois pour faire cesser les violences indiscriminées contre les civils, telles que les bombardements des quartiers civils par le régime, pour permettre un accès à toutes les populations dans le besoin, notamment par un accès transfrontalier pour l’assistance humanitaire et autoriser les ONG capables de fournir cette assistance. Les messages passés par le Conseil à cet effet sont insuffisants.

 

Cette aide est essentielle pour contenir des flux de réfugiés qui crée une pression énorme sur les pays voisins de la Syrie, et notamment la Jordanie et le Liban, déstabilisant des équilibres internes déjà fragiles. Pour que leurs frontières puissent rester ouvertes, nous ne pouvons nous contenter de saluer leurs efforts. Il est important, ainsi que l’a demandé M.Guterres, que la communauté internationale se mobilise pour apporter son soutien aux pays hôtes. Il faut que les donateurs restent mobilisés, notamment en débloquant rapidement les aides promises à la Conférence de Koweït.

 

Mais surtout, une transition politique est nécessaire, une transition qui marque une rupture claire avec le passé et réponde aux aspirations légitimes des Syriens à choisir leur destin démocratiquement. Pour ce faire, nous disposons du communiqué de Genève et des précisions apportées par le Représentant spécial conjoint, M.Brahimi, devant ce Conseil, et notamment le fait que les pouvoirs présidentiels doivent être pleinement transférés à un gouvernement de transition. C’est à cette séquence - constitution d’un gouvernement de transition avec plein pouvoir exécutif puis élection - que nous devons travailler afin d’apporter les précisions nécessaires.

 

Malheureusement, nous n’en sommes pas là. Le Président Assad a réitéré son refus la semaine dernière dans un discours qui nie la réalité même de la crise politique syrienne.

 

La seule lueur d’espoir se situe du côté de l’opposition et nous travaillons à la nourrir. À la suite de l’initiative courageuse de Moaz el-Khatib que nous avons saluée, la Coalition, a reconnu le principe d’une transition politique. Elle a réaffirmé cet engagement à Istanbul. Nous appelons toute la communauté internationale à lui apporter son soutien pour nourrir la seule dynamique à même de préparer une transition politique. Nous réclamions un interlocuteur crédible ; nous en avons un, reconnu par la Ligue arabe et par une large majorité de la communauté internationale, qui cherche à former un gouvernement à même de rassembler effectivement les différentes composantes de la société syrienne. Cet acteur est indispensable pour bâtir les conditions d’une transition politique et nous devons, y compris aux Nations unies, en tenir compte.

 

Je dirai enfin un mot du Liban, pris au milieu de cette tourmente.

 

Nous avons salué l’action du gouvernement libanais, qui a, avec le Président Sleiman, a choisi la politique de dissociation qui seule peut protéger le Liban d’un retour à la guerre civile. Alors que les incidents aux frontières se multiplient, alors que les violations de la souveraineté libanaise par la Syrie se multiplient, nous appelons l’ensemble des Libanais à ne pas céder à la surenchère communautaire et à respecter les principes agréés dans la Déclaration de Baabda dans l’intérêt de la stabilité du Liban.

 

Il est encourageant qu’un accord ait pu être trouvé rapidement sur la nomination de Tamman Salam comme Premier ministre et nous saluons ses efforts pour aboutir rapidement à un accord sur la composition d’un gouvernement à même d’organiser des élections parlementaires sur une base consensuelle et dans les délais constitutionnels.

 

En conclusion, nous contemplons aujourd’hui une région au bord du gouffre du fait de l’impact de la crise syrienne, du poids des réfugiés qui pèse sur les équilibres sociopolitiques et économiques, du terrorisme radical qui prolifère sur le charnier syrien, comme nous l’avions craint. Ne rien faire pour régler la crise syrienne, c’est abandonner cette région stratégique pour la paix et la sécurité mondiales à des décennies d’un chaos qui ne restera pas circonscrit au Moyen-Orient.

 

Le choix est devant nous. Soit nous soutenons une action résolue de la communauté internationale, en appui aux États-Unis, pour enfin sortir le processus de paix israélo-palestinien d’une simple gestion de conflit et faire émerger un règlement définitif. C’est de la même énergie dont nous avons besoin sur la Syrie, autour de l’objectif commun d’une transition politique que ce Conseil a jusqu’alors échoué à dégager. Soit nous laissons la région s’enfoncer dans l’horreur.

 

Source : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/onu/evenements-et-actualites-lies-aux/actualites-21429/article/conseil-de-securite-situation-au-106495