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Échec des pourparlers
Les six puissances mondiales, désignées sous le sigle P5 +1 comprenant les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, auxquelles s’est jointe l’Allemagne, se sont réunies avec les délégués iraniens, le 5 avril à Almaty, au Kazakhstan. Dans le cadre d’une nouvelle série de pourparlers, les Occidentaux espéraient trouver un compromis avec l’Iran pour mettre fin aux efforts clandestins pour fabriquer des bombes nucléaires.
Les délégués occidentaux avaient travaillé à des propositions nouvelles. En échange d’une fermeture d’un site nucléaire et de l’expédition à l’étranger des stocks d’uranium enrichi, les sanctions internationales sur la pétrochimie et sur le commerce de l’or et des métaux précieux iraniens seraient réduites. Catherine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a exhorté l’Iran à faire un geste pouvant convaincre la communauté internationale que son programme comportait uniquement des projets civils, incluant la production d’électricité. Mais à l’évidence, les puissances mondiales n’ont pas réussi à trouver un accord.
Les discussions au Kazakhstan ont révélé que les deux parties avaient des positions divergentes. La proposition des Occidentaux de réduire les sanctions n’a trouvé aucun écho chez les Iraniens qui persistent à enrichir de l’uranium à 20%, seul taux qui permette de fabriquer une bombe nucléaire. En réponse l’Iran s’est borné à réclamer, à nouveau, «la reconnaissance de son droit à enrichir de l’uranium». Ces exigences ne sont pas nouvelles puisque le Conseil de Sécurité de l’ONU n’a cessé d’émettre des résolutions depuis 2006 exigeant, en vain, l’arrêt du processus d’enrichissement.
Ligne rouge israélienne
L’inquiétude des Occidentaux est justifiée parce que la balle est à présent dans le camp israélien. Benjamin Netanyahou avait fixé la date butoir du printemps 2013 pour décider ou non de bombarder les sites nucléaires iraniens en cas d’échec de la diplomatie. Les Américains continuent à espérer qu’une nouvelle stratégie iranienne sera mise en place après les élections présidentielles de juin 2013 et la mise à l’écart d’Ahmadinejad.
Les Israéliens avaient à plusieurs reprises soulevé l’inefficacité de la diplomatie pour empêcher les Iraniens de se doter de l’arme nucléaire. Ils estiment que, l’Iran étant à quelques mois de réussir sa bombe, ils devront utiliser tous les moyens pour les en empêcher. Youval Steinitz, ministre israélien du renseignement et des affaires stratégiques est ferme sur ses convictions : «Les Iraniens utilisent le cycle de négociations pour ouvrir la voie à une bombe nucléaire. Israël a déjà averti que les Iraniens profitent des rounds de négociations afin de gagner du temps pour avancer dans l’enrichissement de l’uranium, étape par étape, vers une arme nucléaire.»
Barack Obama se borne quant à lui à confirmer qu’il ne tolèrera pas un Iran doté de l’arme nucléaire, mais sans préciser les limites de sa ligne rouge. Sergueï Ryabkov, adjoint au ministre russe des Affaires étrangères, a confirmé qu’il n’y avait pas eu d’accord sur une date ou un lieu pour de nouveaux pourparlers. Le négociateur en chef iranien, Saeed Jalili, a reconnu les divergences avec les Occidentaux, mais il a laissé un soupçon d’espoir en déclarant que Téhéran pourrait restreindre sa production d’uranium enrichi s’il obtenait plus de concessions de la part des puissances mondiales.
Uranium enrichi à 20%
Les Israéliens n’attendaient rien de ces discussions. Israël sait que plusieurs accords d’inspection sont déjà restés lettre morte et que le gouvernement iranien se joue des Occidentaux. En fait les Iraniens tentent de dissiper les inquiétudes pour obtenir un allègement des sanctions. Alors ils persistent à faire croire que la maitrise du nucléaire est liée à la nécessité d’alimenter leur réacteur de recherche médicale. Or Israël sait que la maitrise d’enrichissement de l’uranium à 20% conduit facilement à l’étape supérieure de 90% pour un usage militaire. Benjamin Netanyahou pointe du doigt les négociateurs du groupe des six : «L’Iran cherche toujours à détruire Israël et menace la paix mondiale. Les négociateurs ne doivent faire aucune concession à l’Iran».
Certes les mesures déjà prises ont touché l’économie iranienne qui souffre de récession et d’inflation. Mais l’absence de résultats tangibles accroit le scepticisme des Israéliens qui doutent des tenues régulières de discussions et de réunions techniques face au «cinéma» des Iraniens. Ils savent que le guide suprême Khamenei a intérêt à la prolongation et à la réussite de ces pourparlers, car c’est la dernière chance de survie politique pour lui et pour son régime. Pendant 23 ans, il a concentré entre ses propres mains un pouvoir qui vacille à cause des sanctions politiques et économiques de l’occident. Par ailleurs, les menaces des révolutions arabes, les difficultés de l’allié syrien et le revirement d’alliance du Hamas ne peuvent être neutralisés que par des négociations nucléaires qui s’étirent dans le temps.
Les services de renseignement occidentaux révèlent que 3.000 nouvelles centrifugeuses sur les 9.000 planifiées sont installées à Fordo, dans des installations souterraines. Elles sont dédiées à l’enrichissement à 20% de l’uranium dont le stock actuel est de 110 kg. En fait, l’Iran qui a été autorisé à poursuivre l’enrichissement d’uranium à 5% tient à poursuivre le dialogue pour masquer l’évolution de son programme. L’ayatollah Khamenei n’avait rien caché de ses intentions puisqu’il avait prévenu Barack Obama qu’il ne fermerait jamais Fordo. En revanche il acceptait d’augmenter la fréquence des visites au site et l’installation de nouvelles caméras de surveillance si les sanctions étaient immédiatement annulées.
Les Israéliens n’abandonnent pas les autres options. Ils continuent de soutenir le principal parti iranien d’opposition, les moudjahidin du peuple (MEK) qui sont leurs principaux sous-traitants locaux aussi bien dans la réalisation d’attentats que dans la collecte de renseignements. Le MEK a transmis les détails privés concernant plus de 60 experts nucléaires iraniens en dévoilant la structure détaillée de l’organisation centrale sous le commandement du corps des Gardes révolutionnaires affectés à l’installation de Fordo. Ces informations pourraient être utilisées pour mener des actions d’assassinats ciblés contre des piliers du programme. Cela explique les déclarations de certains dirigeants sécuritaires israéliens qui ne prônent plus une action militaire immédiate contre les installations nucléaires iraniennes.
Les révélations du MEK traduisent la réalité du programme nucléaire iranien dans une phase très avancée. Le projet de construction d’une ogive nucléaire ou d’une bombe semble en cours sur le site de Mojdeh, à l’université Malek Ashtar dans la région de Lavizan. Le MEK a décrit dans le détail l’organigramme des subdivisions de ces centres de recherche avec en prime les noms et adresses des chefs ainsi que les numéros de téléphone privés et professionnels.
Les Américains jettent un doute sur la crédibilité de ce document, mais le MEK s’était déjà distingué à la fois par ses actions meurtrières et par la qualité des informations qu’il avait transmises à Israël. Mais, malgré le scepticisme d’Israël, ils tiennent à donner à la phase diplomatique tout l’essor dont il convient de bénéficier pour éviter une déflagration.
Jacques Benillouche
Pour TribuneJuive.Info