Allocution de Madame Denise Toros-Marter :
« Isaac Sidney CHOURAQUI est né le 13 0ctobre 1914 en Algérie, alors française.
En 1914 son Père déjà, combat dans le corps expéditionnaire français contre les Turcs en 1915 aux Dardanelles.
Pendant la « drôle de guerre », Sidney installé à Casablanca est mobilisé au Maroc.
Juin 1940, Vichy signe l'armistice et livre la France à Hitler.
Sidney essaie en vain de rejoindre le Général de Gaulle avec son ami Max Guedj , lui aussi Avocat.
Il constitue alors un petit groupe de résistants juifs a Casablanca qui entre en contact avec Londres par le biais de Maurice Schuman, animateur de l'émission « les français parlent aux français ».
Victime du « statut des juifs » édicté par Pétain et Laval, Sidney est radié de l'ordre des avocats , cette profession leur étant interdite.
Le débarquement allié survient alors en Afrique du Nord le 8 Novembre 1942.
Alors même que les américains ont libéré l'Algérie, le Général Giraud qui ne cache pas son antisémitisme refuse que les Juifs combattent afin de leur refuser plus tard leur citoyenneté.
Sidney affecté au camp juif de Bedeau prend alors la tête d'un mouvement de résistance du camp et rédige un « manifeste des juifs de Bedeau dans lequel on peut lire :
« Il y a deux mois est né en nous un espoir immense, celui de reprendre la lutte avec des armes modernes et de contribuer à l'écrasement définitif de l'ennemi de l'Humanité.
La réalisation de ce voeu nous a été refusée.
Nous déclarons que personne n'a le droit de douter de notre valeur combattive , ce serait insulter la mémoire de nos aînés qui reposent par milliers en terre de France.
Qu'on nous affecte tous automatiquement dans les unités auxquelles nous étions normalement destinés, qu'on nous permette de combattre chacun selon nos compétences, mais dans la dignité comme les autres soldats.
Qu'on nous le permette, et tous unis nous répondrons « Présent ».
En définitive, Sidney s'échappe de ce camp pour Juifs et traverse les lignes italiennes et allemandes du Général Rommel pour rejoindre en Lybie le Régiment de Marche du Tchad du Général Leclerc, comme engagé volontaire dans les Forces Françaises Libres.
En 1943, le Général Giraud, sous la pression des Alliés, instaure le « numérus clausus » (nombre limité à 2%) pour l'accès des Juifs au Barreau notamment.
Sidney refuse par écrit cette injustice et n'accepte pas d'en bénéficier malgré la possibilité qui lui est offerte en tant que combattant.
Le 1er Octobre 1943 de Gaulle abroge le statut des Juifs et rétablit ainsi les droits des citoyens pour les Juifs français d'Algérie.
Mais, paradoxe de l'histoire, étant considéré comme ayant « volontairement « démissionné » du barreau, du fait de sa lettre de refus de profiter du numerus clausus, Sidney doit agir avec fermeté pour réintégrer le barreau comme ses autres coreligionnaires.
En Novembre 1943, il participe à la création au Maroc de la 2ème D.B. (ex division Leclerc) et part pour l'Angleterre.
Fin Juillet 1944, c'est le débarquement de son unité à Utah Beach, la Bataille de Normandie et notamment celle d'Alençon a commencé.
Le 25 Août 1944, c'est enfin la Libération de Paris ou il participe à la protection du défilé avec le Général de Gaulle. Un film le montre sur son blindé portant un enfant dans les bras.
Fin 1944, c'est la ruée de la 2ème pour libérer Strasbourg et tenir le serment prononcé dans le désert africain pour la libération de la France.
D’après une citation à l’ordre de la division, Sidney « a fait preuve des plus belles qualités militaires pendant les campagnes de Normandie, de Paris et d’Alsace » et cette citation mentionne plusieurs faits d’armes dont un au cours duquel « il engagea le tir à 4 reprises contre une escadrille de chasse ennemie et, malgré le mitraillage de sa pièce, réussit à abattre un avion ennemi et à en endommager deux autres ».
Enfin, c'est la fameuse bataille des Ardennes pour stopper la contre attaque allemande.
Avril 1945, son unité libère le camp de concentration de Landsberg, satellite de Dachau, et il découvre l'horreur des piles de cadavres, mais aussi des survivants squelettiques qu'il évoquera dans ses cahiers de notes tenus tout au long de la guerre.
Le 8 Mai 1945, c'est enfin la capitulation sans conditions de l'Allemagne nazie.
La 2ème D.B. Vient d'occuper le « Nid d'Aigle d'Hitler » à Berchtesgaden.
Sidney parle dans ses cahiers d'une victoire « en déchantant » , ayant compris que les racines du mal étaient alors profondes et durables , et que les injustices et les inégalités continueraient à miner l'équilibre social et la démocratie.
Dans ce haut lieu du nazisme, Sidney et ses camarades sablent le champagne français stocké dans les caves du Fuhrer et entonne une Marseillaise victorieuse et un chant d'espérance la Tikvah , hymne du futur Etat d' Israël , bientôt devenu refuge des rescapés de la Shoah.
Sidney, démobilisé en 1945, retourne à Casablanca avec sa famille ou il fait une brillante carrière d'avocat spécialisé en droit maritime international, formant dans son cabinet de jeunes avocats marocains dont certains deviendront ministres.
En 1965, c'est le départ pour la France et son inscription au barreau d'Aix en Provence, marié avec trois enfants appelés à une brillante carrière.
Membre de l'Amitié Judéo-chrétienne, co-fondateur et Président d'Honneur de la Licra, Président d’honneur du Centre Culturel Darius-Milhaud d'Aix.
Fin 1982, il est avisé par le Sous Préfet d'Aix de la destruction imminente de la salle de peintures de l'ancien camp d'internement des Milles en Provence, camp jusque la ignoré des historiens et du public, hormis un groupe de chercheurs.
Pascal Fieschi, responsable d'association de résistants aixois, Sidney et son fils Alain, ainsi que le Colonel Louis Monguilan et l'Amicale d'Auschwitz alertent les pouvoirs publics afin d'empêcher cette destruction en menant une action vigoureuse auprès du Premier Ministre et du Ministére de la Culture.
D'autres personnalités du monde combattant les rejoignent comme M. Fieschi,
Yvette Impense, André Claverie, Jean Louis Medvedowsky , et beaucoup d'autres.
En 1992, devant le risque que soient occcultées les déportations des Milles et les phases multiples qu'a connu ce camp, l'Amicale d'Auschwitz obtient de la S.N.C.F. un wagon souvenir avec en exposition intérieure l'histoire de ce lieu de Mémoire.
Une association du wagon souvenir et du site mémorial des Milles voit ainsi le jour, avec comme co fondateurs et Présidents : M° Sidney Chouraqui , le Colonel Louis Monguilan et Denise Toros-Marter, Présidente de l'Amicale d'Auschwitz .
C'est ainsi que débute le long travail militant de ce collectif sans faille qui va très bientôt conduire à l'ouverture d'un grand Mémorial ouvert à la Jeunesse dans le seul grand camp français encore intact avec celui de Drancy.
Les partenaires pour l'édification de ce Mémorial sont nombreux et qualifiés, l’Etat, Madame le Maire d'Aix en Provence,
M. le Président du Conseil Général, M. le Président du Conseil Régional, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, les Associations de Déportés, les Universitaires... Je ne peux tous les citer et m'en excuse...
Ce projet devient maintenant réalité et c'est la naissance de la Fondation du Camp des Milles avec un Président jeune et émérite, M. Alain Chouraqui, digne fils de son Père qui a eu l’ambition dès le début de faire de ce Mémorial un outil précieux d'éducation des jeunes générations face à la montée des intolérances.
Il s'entoure d'une équipe jeune et compétente qui assure un travail extraordinaire.
J'ai évoqué précédemment les multiples facettes et mérites de Sidney Chouraqui qui m'a honoré en me demandant de le parrainer dans cette distinction.
Médaille Militaire, Croix de Guerre 2 étoiles avec citation, Combattant Volontaire de la Résistance, Médaille des Forces Françaises Libres, Presidential Unit Disctinction, Médaille de la 2ème D.B., des Villes de Paris et d'Aix , etc.
Il est digne de cette Légion d'Honneur, première décoration française que je suis particulièrement heureuse de lui remettre aujourd'hui, selon ses voeux.
Isaac, Sidney Chouraqui , au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés , je vous fais Chevalier de la Légion d'Honneur à titre Militaire. »
Photo : D.R.