Propos recueillis par Stéphanie Dassa
Vous réalisez pour le Mémorial de la Shoah une exposition intitulée « La spoliation des Juifs, une politique d’État ». Cette politique en place dans le Reich dès 1933 et adoptée par Vichy en 1941 a-t-elle permis d’évincer les Juifs de l’économie française tout en légalisant un système économico-criminel ?
Une très grande partie des politiques antisémites à l’œuvre durant la guerre, qu’elles soient allemandes ou françaises, reposent sur des bases légales, depuis les exclusions professionnelles portées par les deux « statuts des Juifs » promulgués par Vichy jusqu’à la politique d’ « aryanisation », en passant par les recensements mis en place par les autorités françaises et allemandes. Ces recensements sont d’ailleurs directement liés aux spoliations. Ils sont mis en place, particulièrement en ce qui concerne Vichy, afin d’identifier autant les personnes que leurs biens, ceci afin de permettre ensuite la dépossession. L’ « aryanisation », c'est-à-dire la principale des politiques de spoliations (lesquelles sont un vol légal, par opposition au pillage), s’avère être une politique qui a été menée avec une redoutable efficacité : on peut estimer qu’à la fin 1943 la totalité ou presque des biens définis par la loi comme devant être confisqués à leurs propriétaires l’ont été. En 1944, 50% de ces biens confisqués sont considérés comme définitivement « aryanisés » (vendus ou bien liquidés).