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A la lecture du document de la CIA, ce qu’on découvre de Jonathan Pollard conduit bien à s’interroger sur une sévérité aussi prolongée
On savait que Pollard n’avait pas agi de lui-même, qu’il avait bel et bien été recruté par les services secrets israéliens, ce que ceux-ci ont admis tardivement, et que le légendaire Rafi Eytan était responsable de ses activités. Celles-ci ont couvert en pratique les dix premiers mois de l’année 1985, jusqu’au moment où, comprenant qu’il allait être arrêté, Jonathan Pollard essaya de se réfugier, avec son épouse, dans l’enceinte de l’Ambassade d’Israël d’où ils furent refoulés.
La suite était également connue : malgré une coopération étroite avec ses enquêteurs (dont le document de la CIA confirme qu’elle a été fiable), malgré un « plea bargain » (accord préalable permettant d’envisager une mansuétude du tribunal), malgré des réquisitoires qui n’en demandaient pas tant, Jonathan Pollard fut condamné à la prison à vie. Plus encore, il ne bénéficia d’aucune mesure de grâce et reste actuellement, vingt-sept ans après sa capture, dans des conditions d’emprisonnement strictes : il n’obtint pas le droit d’assister cette année aux funérailles de son père (un virologue américain universitaire réputé). Bill Clinton avait publiquement admis qu’il avait envisagé de gracier Pollard avant de quitter le pouvoir, mais qu’il s’était heurté à de trop fortes protestations de son administration.
On pouvait donc imaginer que les documents déclassifiés donneraient des précisions terribles sur les turpitudes de l’espion Pollard et sur les dangers qu’il a fait courir aux USA et à leurs agents.
Il n’en est rien. Bien que le document contienne de nombreux passages encore couverts par le secret, il indique explicitement qu’Israël n’a jamais ni demandé, ni reçu de Jonathan Pollard des informations sensibles sur la sécurité américaine, sur les équipements, plans ou activités militaires des États-Unis.
Alors qu’a-t-il fourni aux services secrets israéliens ? Uniquement, semble-t-il, des informations sur les équipements militaires des pays arabes et musulmans, en particulier de la Syrie et du Pakistan. Pour la Syrie, il faut rappeler que Hafez el Assad avait obtenu son diplôme de pilote en Union Soviétique, que ses liens avec l’URSS ne s’étaient jamais distendus et que les perspectives de fournitures de matériels modernes, en particulier NCB (nucléaires, chimiques, bactériologiques) inquiétaient fortement les services israéliens de l’époque. La permanence de cette problématique dans la situation en Syrie aujourd’hui est d’ailleurs frappante.
Le document montre que les considérations financières, si elles n’ont pas été absentes, sont restées d’un niveau modeste : ce qui dominait chez Pollard était l’angoisse de voir Israël submergé par des ennemis utilisant des armes de destruction massive et la volonté de contribuer lui-même à changer le cours de cette histoire. La famille Pollard était très sioniste, comme elle était d’ailleurs très patriote américaine. Jonathan se sentait proche d’Israël depuis son plus jeune âge.
Que Pollard ait commis une lourde faute morale ne fait pas de doute. Aucun service de sécurité ne peut subsister s’il est laxiste envers ceux qui violent les engagements de secret qui seuls lui permettent de fonctionner. Certes, Pollard n’a pas respecté lui-même la confidentialité imposée dans son « plea bargain » en donnant une interview à un journaliste depuis sa cellule avant son procès. Certes, il semble avoir une propension à se vanter, à être arrogant et maladroit dans ses déclarations. Certes, il a exposé les failles de son service de renseignement de la marine, qui ont permis à cet analyste spécialisé dans la zone des Antilles de sortir à l’extérieur des piles de documents secrets liés au Moyen-Orient et les responsables ne veulent pas, on les comprend, voir leur service ridiculisé. Certes, les campagnes exercées en sa faveur ont pu par contrecoup braquer contre lui. Mais ce sont là des motifs bien véniels…
Au total, à la lecture du document de la CIA, ce qu’on découvre de Jonathan Pollard, de ses motivations et des conséquences de ses actes, conduit bien à s’interroger sur une sévérité aussi prolongée …
Richard Prasquier
Président du CRIF