L’idée qu’une résurgence antisémite puisse mettre en danger la présence juive m’aurait semblé saugrenue il y a peu. J’ai été de ceux qui ont protesté, et nous avions raison, lorsque Sharon a conseillé aux Juifs de s’installer en Israël en raison de l’antisémitisme en France. Le rejet de l’antisémitisme est profond dans notre pays chez ceux qui sont en situation de responsabilité quelle que soit la couleur politique du gouvernement. Mais l’année 2012 a révélé une inquiétante tendance, qui pour des causes disparates s’étend à une très grande partie de l’Europe, et qui mérite d’être affrontée sans faux-fuyants. Le diagnostic ne suffit pas au traitement, et nous devons lutter avant tout contre la tentation de baisser les bras.
Un rôle désormais quasi déconnecté de la conjoncture est joué par l’ « importation du conflit israélo-palestinien », en réalité conflit israélo-arabe, tant le refus par les États arabes d’un État pour le peuple juif lui avait donné un caractère irrémédiable, à une époque encore pré islamiste et pré palestinienne. Ces deux derniers thèmes mobilisent aujourd’hui des imaginaires puissants, l’un religieux avec ses références sacrées de plus en plus radicales, l’autre anticolonialiste, séduisant les sympathisants des « opprimés de l’histoire ». Par l’utilisation de hadiths contre les Juifs, par la transposition Israéliens/Juifs, par l’adhésion à des solutions extrêmes contre Israël, l’antisémitisme « nouveau » déborde largement son costume antisioniste. Il cible aussi les Juifs de notre pays. Le prétexte d’un désaccord avec la politique du gouvernement israélien pour fermer les yeux à son sujet conduit à tolérer l’intolérable, et ceux qui prétendent qu’il s’agit là d’un « antisé-mythe » monté en épingle se trompent lourdement. Mais il y a plus.
Les craintes économiques, l’angoisse de l’islamisation, la doxa qui prétend que le conflit israélo-palestinien est la clé de la paix et que la crise peut y déclencher une guerre mondiale, réactivent un antisémitisme classique en hibernation en le mâtinant de xénophobie anti musulmane, sous fond d’assignation de communautarisation : « Qu’ils se battent ailleurs ; pourquoi en subirions-nous les conséquences ? »
C’est ainsi que prospèrent en Europe des partis et des mouvements inédits, parfois explicitement racistes, parfois ultra-laïques (circoncision, abattage rituel) qui traduisent des glissements d’opinion, avec libération de la parole antisémite, Internet aidant. Il y a du neuf dans l’antisémitisme ; mais comme toujours, il rapièce avec du vieux.
Nous vous attendons à la Convention.
Richard Prasquier
Président du CRIF