Cher Monsieur,
Je viens de recevoir votre mail. Voici longtemps que vous auriez dû l'envoyer.
Il n'a jamais été question de vous abandonner. Dès que nous avons pu connaitre l'ensemble de ce drame, nous nous sommes exprimés, aussi bien à Tel Aviv qu'à notre retour à Paris. Dans les interviews, dans mes éditoriaux, dans mes entretiens avec les personnalités du monde politique et judiciaire, j'ai toujours indiqué que l'attitude des deux Français avait été scandaleuse. Comme le Grand Rabbin de France l'a fait de son côté, j'ai demandé que où qu'ils soient ces deux hommes soient sujets à un véritable "Herem" communautaire.
Mais la France n'extrade pas ses nationaux hors de l'espace intracommunautaire. La loi est la loi, et celle-ci ne peut pas être changée rétroactivement par une mesure impulsée par le chef de l'exécutif: nous sommes, comme en Israël dans un pays de séparation de pouvoirs. Comme en Israël, nous en sommes fiers et nous n'allons pas nous engager dans une demande pour transformer cette loi et appliquer cette transformation à ceux qui ont tué Lee Zeitouni, quelle que soit la compassion que nous éprouvions pour ces proches. Cette demande ne peut avoir comme conséquences qu'une flambée de l'antisémitisme ("les Juifs ne pensent qu'à eux et dirigent ce pays"). Je serais prêt à l'assumer peut-être si elle avait une ombre de chance de réussir: ce n'est pas le cas. Le fait que vous ne fassiez apparemment pas confiance à la justice française pour faire son travail est en lui-même choquant pour les citoyens français. Il vous est facile techniquement de terminer la polémique: déposez plainte et je vous promets que vous nous retrouverez tous comme un seul homme à vos côtés.
Le Ministre de la Justice, lors d'un entretien personnel que j'ai eu avec lui a accepté de vous recevoir lui-même quand vous viendriez à Paris. J'ai confirmé ensuite la rencontre auprès de son directeur de cabinet. Je l'ai dit à votre avocat, Maitre Gilles William Goldnadel. Il semble qu'il n'a pas la maitrise de votre emploi du temps et que pour cette raison le rendez Vous n'a pas été pris. Ce n'est pas de mon fait, je le regrette profondément.
En ce qui concerne le dîner du CRIF, il s'agit d'un événement particulier de nature politique pour lequel les invitations se font longtemps à l'avance et pour lequel nous refusons beaucoup de monde. C'est la première fois de ma vie que j'ai appris indirectement par une chaine télévisée (TF1) que quelqu'un viendrait à ce diner, alors qu'il n'avait reçu aucune invitation. Je n'ai par ailleurs reçu aucune information préalable non plus sur votre séjour à Paris. Tout cela a été mis en place apparemment par M. Gil Taieb qui me connait bien depuis plus de 20 ans, qui est membre du CRIF et dont j'ai du mal à comprendre le silence. Au demeurant, il vous aurait été facile de me téléphoner vous-même, ou bien d'appeler le CRIF. Vous ne l'avez pas fait, vous avez dit à mes proches que vous n'étiez pas intéressé à rencontrer le président du CRIF s'il ne vous faisait pas venir au diner, alors que j'avais clairement indiqué que j'étais prêt à bouleverser mon emploi du temps, particulièrement chargé actuellement, pour vous rencontrer.
Les journaux indiquent que vous voulez venir pour "interpeller" le président de la République. Il n'a pas à être interpellé. Il n'y a pas de reproche à faire à la France a fait son travail. S'il n'y avait eu que cette seule formule, elle aurait suffi à ce que je vous demande de ne pas venir au diner du CRIF, qui par ailleurs n'a pas à traiter d'affaires judiciaires, aussi douloureuses soient-elles. Jusqu'à ce matin vous avez préféré vous exprimer dans les medias que vous adresser à moi. C'est donc c'est maintenant que je vous écris directement en toute responsabilité et avec toute l'empathie que je peux avoir pour la famille Zeitouni, dont la dignité à Tel Aviv m'avait bouleversé: ne venez pas au diner du CRIF. Nous serons obligés de ne pas vous laisser entrer et si vous essayez de le faire, vous porterez une très lourde responsabilité auprès de la France, de la justice française, de la communauté juive de France, mais aussi envers Israël et envers la mémoire de votre très chère Lee pour laquelle je comprends votre désir de vous battre jusqu'au bout, mais pas celui de vous battre de cette façon, en éloignant de vous ceux qui sont vos soutiens les plus naturels.
Je rendrai cette lettre publique pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
Je vous assure de ma sensibilité active à votre cause et de ma volonté de vous voir quand vous le demanderez et quand je le pourrai.