Editorial du président
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Publié le 20 Septembre 2011

Une semaine importante, un éditorial de Richard Prasquier

La semaine qui vient devant nous marquera-t-elle une transformation de la situation au Proche Orient?




Cela n'est pas certain. On ne connait toujours pas, au-delà des effets d'annonce, le détail des initiatives que va réellement prendre M. Mahmoud Abbas lors de son séjour à New York pour l'ouverture de la 66e session des Nations Unies. Déposera-t-il vraiment une demande formelle, suivie d'un débat avec vote au Conseil de Sécurité, seul organisme habilité actuellement à donner le statut d'Etat membre?



C'est loin d'être certain, et au cas où il le ferait deux choses sont sûres:
1°cette demande n'aboutirait pas à cause d'un veto américain,
2° les Etats Unis ont prévenu les Palestiniens qu'ils tiendraient les Palestiniens responsables de ce "forcing".



En outre au Conseil de Sécurité, il ne suffit pas de l'absence de veto pour être admis comme membre, il faut recevoir neuf des treize voix des pays représentants (c'est-à-dire que les abstentions sont équivalentes à un rejet). Si les Palestiniens obtenaient ces neuf voix, ils remporteraient, malgré le veto américain une sorte de victoire symbolique: mais ce résultat est loin d'être acquis, malgré une configuration du Conseil a priori favorable (Liban; qui préside, Brésil, Afrique du Sud, Nigeria et Inde....) et un échec porterait un coup à la légitimité de la demande palestinienne.



Reste le passage devant l'Assemblée Générale; à ce niveau, il ne s'agit plus de devenir un Etat membre, mais d'élever le niveau de représentation qui est actuellement celui de l'Autorité Palestinienne pour faire de la Palestine un Etat observateur. Cette démarche, qui s'appuierait sur la majorité automatique dont l'ONU s'est fait une spécialité dans ses débordements anti-israéliens, n'est pas certaine non plus de réussir. Tout dépendra probablement du texte qui sera proposé et des engagements qui seront pris à cette occasion par les Palestiniens. Mahmoud Abbas s'engagera-t-il à entreprendre immédiatement des négociations avec Israël, à ne pas utiliser ses nouvelles positions pour entamer une guerre judiciaire contre Israël dans les organisations juridiques internationales et enfin reconnaîtra-t-il qu'Israël est l'Etat du peuple Juif? On peut malheureusement en douter, mais c'est sur ces paramètres que porteront les dernières discussions.



La France, le Président de la République, qui m'a fait l'honneur de me recevoir hier soir à l'Elysée avant son départ aux Etats Unis, me l'a assuré, n'acceptera pas une reconnaissance sans condition. Je lui ai évidemment exposé notre position exprimée à plusieurs reprises très publiquement: nous sommes hostiles à cette déclaration d'indépendance en tant que Juifs scandalisés par le refus de reconnaitre l'existence d'un peuple juif par ceux qui réclament d'être reconnus comme un état palestinien et par la présence dans cet état d'un mouvement (le Hamas) qui prône ouvertement notre assassinat.



Aujourd'hui aura lieu à 18h30 au Gymnase, et nous soutenons fortement cette initiative, une manifestation organisée par les présidents des groupes d'amitié parlementaires France Israël. Elle suit la lettre ouverte envoyée par plus d'une centaine (114 sauf erreur) de parlementaires (membres du Sénat ou de l'Assemblée Nationale) au Président de la République pour lui demander de ne pas appuyer cette déclaration d'indépendance. Les raisons de cette position, on le sait, ne sont pas le refus systématique d'un Etat palestinien, mais le refus que cet Etat soit créé de cette façon-là en essayant d'esquiver les indispensables négociations bilatérales avec Israël et en faisant le silence sur ce tragique paradoxe que le Hamas, organisation terroriste, serait reconnu indirectement, mais internationalement comme acteur politique de cette indépendance.



Si la position de la France n'est pas encore totalement établie au regard de l'indépendance unilatérale de la Palestine, la France s'est retirée de l'autre "grande" manifestation de mois de septembre à l'ONU, à savoir la célébration (dite Durban 3) du 10e anniversaire de la Conférence de Durban et nous nous en félicitons. Il n'y a rien à célébrer dans cette mascarade qui fut l'un des épisodes les plus honteux de l'histoire de l'ONU, où l'antisémitisme s'est exprimé à visage découvert, ne prenant même pas toujours son masque antisioniste habituel, notamment dans la Conférence des ONG. La France rejoint ainsi le groupe des pays qui ont déjà claqué la porte: Canada, Etats Unis, Grande Bretagne, Allemagne, Pays Bas, République tchèque, Italie, Australie, Nouvelle Zélande et quelques autres qui représentent véritablement l'ensemble du monde démocratique, celui dont nous regrettons souvent la frilosité dans la défense de ses valeurs. C'est là comprendre ce qui est en cause: la volonté de dénoncer Israël et Israël à peu près seul, qui a présidé aux tentatives d'imposer le "système Durban" à la communauté internationale va de pair avec la volonté de fond des dirigeants palestiniens de refuser le dialogue, de ne pas accepter l'Etat du peuple juif, de laisser à leur population la perspective sous-entendue ou explicite de la disparition d'Israël dans un temps ultérieur. Les deux démarches Durban 3 et déclaration d'indépendance unilatérale procèdent d'un même mécanisme intellectuel de rejet réel d'Israël. De ce point de vue le discours vendredi dernier du Président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à sa population présente des éléments inquiétants. Il y a fait allusion aux chiens "qu'on trouve dans nos rues" et aux porcs "qui viennent arracher nos arbres". Il y aurait eu des épisodes où des sangliers auraient effectivement détruit des plantations. Mais ce qui est sûr est que ces termes de chiens et de porcs sont un langage codé que connaissent bien les palestiniens abreuvés dès l'enfance par les hadiths atroces suivant lesquels les Juifs sont des bâtards de chiens et de singes.



Cette mise en relief des Nations Unies à l'occasion de l'ouverture de la session ne doit pas faire oublier les événements, très graves, qui sont survenus la semaine précédente: l'état d'hostilité entre Israël et la Turquie, Turquie, qui on ne le répétera assez jamais, suit un plan minutieusement préparé par le Président Erdogan et son parti, et pas une réaction émotionnelle à un événement isolé (flottille de Gaza de 2010), démonstration de violence anti-israélienne en Egypte, où six israéliens n'ont été sauvés que in extremis et après des pressions fortes exercées sur le gouvernement égyptien, et enfin cet Iran que l'on oublie, mais où l'installation de nouvelles et plus efficaces centrifugeuses raccourcit désormais nettement le délai d'obtention de l'arme nucléaire, alors que la rhétorique de ce régime sanglant ne s'est pas modifiée...



Richard Prasquier
Président du CRIF