Editorial du président
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Publié le 30 Août 2011

Sur une comparaison douteuse, un éditorial de Richard Prasquier

Electoral rime pauvrement avec doctoral et les campagnes présidentielles ne sont pas propices aux nuances académiques. Comme Jean Christophe Cambadélis l’écrit dans son blog : « la période n’est pas pour les chochottes ». Et nous devons nous attendre à ce que dans la fièvre du combat partisan les allusions, les approximations, les insinuations, les déformations et les accusations fleurissent de toutes parts de l’échiquier politique. C’est, finalement la règle de ce jeu de séduction et de diabolisation qu’est la quête aux électeurs, et l’âpreté de la controverse ne contrevient pas, bien au contraire, aux exigences de la démocratie. La France n’est pas le pays où ces joutes verbales sont le plus virulentes et Israël et les Etats Unis, sont assez bien placés dans ce domaine. Dans ce dernier pays, on vient d’entendre une candidate républicaine suggérer que le gouvernement Obama pourrait par sa politique avoir provoqué la colère divine, c’est-à-dire le cyclone Irène….



L’analogie faite le même jour par Harlem Désir dans son discours de clôture de l’Université du PS à la Rochelle entre le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant et Bruno Gollnisch n’est évidemment pas de la même veine. Est-ce qu’elle dépasse la ligne rouge? Est-ce mon rôle, en tant que Président du CRIF de m’exprimer dans ce qui pourrait être considéré comme une intervention malvenue en période préélectorale au sujet d’un dérapage comme il y en aura probablement d’autres ? Je n’ai pas de réponse certaine à ces questions. Oui, on peut considérer, beaucoup le font dans le Bureau Exécutif du CRIF, et ils ont certainement raison, que cette comparaison témoigne simplement de l’enjeu sécuritaire dans le combat politique entre le Parti Socialiste et l’UMP avec un Front National aux aguets et la hantise de 2002 planant sur les deux partis prédominants. Cependant entendre comparer Claude Guéant et Bruno Gollnisch me choque, et me choque en tant que Juif.
Car, pour reprendre une formule qui fait florès depuis qu’elle a été utilisée par M.Badiou, le gourou philosophe glorieux de ses erreurs politiques passées et de ses haines politiques présentes (Israël), de quoi Bruno Gollnisch « est-il le nom » ? La réponse est immédiate. Il connote (1994) des déclarations négationnistes « soft », mais écœurantes, où il appelait comme c’est classique dans ce petit monde, à une étude scientifique sans œillères de l’usage éventuel des « chambres à gaz homicides », étude dont il disqualifiait d’emblée les Juifs (en l’occurrence le Professeur Rousso) du seul fait de leur origine….Certes la Cour de Cassation en 2009, a cassé le jugement de condamnation de M.Gollnisch, qui s’y entend à manier l’ambiguïté et le double langage et qui n’est pas Docteur en Droit pour rien. Mais il n’y a guère de doute sur ses intentions pour ceux qui connaissent le dossier.
Harlem Désir, pour qui j’ai de l’estime, n’était probablement pas conscient de cet arrière fond quand il a lancé sa charge. Mais entre la critique légitime et si besoin violente d’une politique ou de déclarations qu’on juge inacceptables et l’assimilation de celui qui en est l’auteur à un homme d’extrême droite aux accointances négationnistes, il y a un pas que je me refuse à franchir. M. Guéant est un serviteur de la République. Je considère que M.Gollnisch est un nostalgique de ceux qui ont voulu abattre cette République.
Richard Prasquier,
Président du CRIF
Photo : D.R.