Editorial du président
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Publié le 13 Septembre 2011

Rwanda, un éditorial de Richard Prasquier

Le Président du Rwanda, Paul Kagamé, a donné lundi 12 septembre 2011 à l'IFRI (Institut français des Relations Internationales), une conférence à laquelle Richard Prasquier a été invité.




On sait la signification historique de la visite du Président Rawandais, qui n'était pas venu en France depuis 1991: il n'était alors que le chef, installé en Ouganda, d'un mouvement de révoltés tutsi contre le gouvernement Habyarimana du Rwanda; malgré une invitation en bonne et due forme le voyage s'était mal passé et Paul Kagamé avait été brièvement arrêté par erreur sur demande de la DST.



De quoi laisser des mauvais souvenirs, aggravés largement au cours du génocide de 1994 et les accusations contre les troupes françaises et le gouvernement de l'époque dont le ministre des Affaires Etrangères s'appelait déjà Alain Juppé, actuellement commodément en voyage dans le Pacifique.



La visite du Président Sarkozy à Kigali avait marqué une étape nouvelle. La visite de Paul Kagamé à Paris en est la continuation.



Mais le contentieux persiste.



Le discours du Président rwandais à l'IFRI avait clairement pour objectif d'"échapper à l'histoire".



Rappelons les événements de 1994, qui avaient été un génocide, au sens exact du terme, le seul indiscutable depuis la Shoah: tentative organisée d'extermination d'un groupe humain (les Tutsi), aboutissant au massacre de 800 000 personnes probablement, Tutsi et Hutu opposés au pouvoir. Les machettes s'étaient révélées d'une redoutable efficacité. La victoire du FPR dirigé par Paul Kagamé avait évité une extermination totale des Tutsi: elle ne s'est évidemment pas faite de façon pacifique...



A la stupéfaction du public ce passé terrible, omniprésent dans les mémoires n'a pas été invoqué une seule fois par le Président rwandais, si ce n'est pour fustiger l'inefficacité dispendieuse du "Tribunal international pour juger les auteurs du génocide". Manifestement, Paul Kagamé veut aller de l'avant et trouver dans le développement économique de son pays le moyen d'échapper aux haines recuites (la large majorité de la population est évidemment d'origine hutue....). C'est pourquoi il n'a à aucun moment non plus utilisé les termes Hutu ou Tutsi, ni même parlé des difficultés et des succès de la "réconciliation".



Si le génocide est resté en creux dans le discours, si les critiques graves formulées par certains auditeurs sur la situation du pays en matière de Droits de l'Homme ont été vite balayées par le Président Kagamé, il a longuement insisté sur la coopération économique, sur le développement du pays et sur le développement de l'Afrique en général, qui n'est plus le "continent perdu", mais qui est en pleine explosion démographique pour la première fois accompagnée par une amélioration des indices de développement macroéconomique et par la prise en considération de l'immensité des richesses que porte son sous-sol. Le Président rwandais a présenté une approche géopolitique et économique et cela n'a guère à voir avec les impératifs mémoriels.



Richard Prasquier,
Président du CRIF.



Photo : D.R.