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Publié le 17 Novembre 2014

Roger Cukierman : «L'antisémitisme pousse les enfants juifs à quitter l'école républicaine»

Publié dans le Figaro le 17 novembre 2014

Une enquête de la Fondapol révèle que les préjugés antisémites sont bien plus marqués chez les Musulmans. A-t-on laissé prospérer ce que l'on appelle l'antisémitisme des banlieues?

Roger Cukierman, Président du CRIF: Tout d'abord je tiens à dire que cette étude, et j'en suis heureux montre que la France n'est pas antisémite et qu'elle est hermétique au négationnisme. Mais il y a deux groupes qui posent problème: les Musulmans et le Front national.

Pour répondre à votre question, cela ne résulte pas d'une volonté délibérée. Il ressort clairement de l'enquête que les préjugés antisémites sont plus répandus chez les Musulmans que chez l'ensemble des Français. Par exemple, 20% des Français pense que les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine économique, une proportion qui monte à 43% chez les Musulmans, voire jusqu'à 74% chez les Musulmans pratiquants. Ces chiffres ne sont pas à prendre à la légère, du fait du poids considérable de la population musulmane en France: leur nombre est difficile à établir, du fait d'un manque d'enquête sur ce sujet, mais on sait qu'ils représentent plus de 10% des Français. Les Juifs vivent, pour beaucoup, à proximité immédiate des Musulmans, et les deux communautés partagent les mêmes quartiers, les mêmes banlieues: on comprend alors tout l'enjeu du problème.

Au nom de la lutte contre l'Islamophobie, a-t-on sous-estimé la haine des Juifs en France?

C'est un sujet bien compliqué. Le CRIF est satisfait de l'attitude des pouvoirs politiques à l'égard des Juifs en France. On ne peut leur reprocher leur traitement du sujet.

La crise économique, le défaut d'intégration, l'échec de l'école républicaine semblent participer de cette évolution. Nous traversons une crise sans commune mesure, morale, sociale et économique. L'antisémitisme en est le témoin.

Le phénomène est-il comparable à l'antisémitisme des années 30 ou est-il davantage le prétexte d'un communautarisme «anti-français» qu'on a notamment vu à l'œuvre chez certains supporters franco-algériens après les matchs de leur équipe?

L'antisémitisme chez les Musulmans n'est à mon sens pas le même que celui des électeurs du Front National. Mais les deux sont préoccupants, car ils associent les Juifs à un système qu'ils rejettent et c'est l'image du bouc émissaire qui réapparaît comme dans les années trente. Ils n'ont ainsi pas les mêmes réponses aux mêmes questions. Par exemple, 49% des électeurs du FN se déclarent contre l'éventualité d'un Président de la République Juifs, tandis que cette proportion s'élève à 23% pour l'ensemble des Français, et à 33% pour les Musulmans.

Que proposez-vous concrètement pour lutter contre cette nouvelle forme d'antisémitisme?

Un énorme effort doit être fourni par l'Éducation nationale, qui doit enseigner, bien plus tôt, les notions de respect de l'autre, du vivre ensemble. Les enfants ne naissent pas antisémites: ils le deviennent. L'école peut éviter cela.

De même, l'ensemble de la société civile, parents comme syndicats, doit se mobiliser contre l'antisémitisme, ce qui n'est à l'heure actuelle pas le cas. Ainsi, lorsque le CRIF a publié une tribune intitulée «vivons ensemble» dans les journaux, l'ensemble des responsables religieux et des dirigeants de partis politiques l'avaient signée, tandis que la CGT et Force Ouvrière s'y étaient refusées. J'ai trouvé ce manque d'engagement lamentable. J'ai également suggéré au Président de l'Assemblée nationale de mettre en œuvre une mission approfondie sur l'antisémitisme pour que nous puissions comprendre ce cancer et le vaincre. Je ferai bientôt de même avec le nouveau Président du Sénat… Lire la suite.

Source: http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/11/14/31003-20141114ARTFIG00432-roger-cukierman-l-antisemitisme-pousse-les-enfants-Juifs-a-quitter-l-ecole-republicaine.php

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