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C’était avant que l’on invente le concept de concurrence mémorielle. En 1685, dans son article premier, le Code noir, réglementant la traite négrière dans les iles françaises, enjoignait les officiers du roi à «chasser hors de nos îles tous les Juifs qui y ont établi leur résidence». Ces derniers n’étant pas habilités à jouir du privilège de l’exercice de la traite. Ou comment rassembler en un seul document officiel ces deux haines de l’autre que sont la négrophobie et l’antisémitisme. «Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous», préviendra trois siècles plus tard Franz Fanon à l’attention des Antillais.
Un mémorial contre l’esclavage
Moins en écho à cette histoire-là qu’aux récentes polémiques remuées par Dieudonné et consorts sur une concurrence des mémoires entre Shoah et esclavage, le CRIF et le Crefom (Conseil représentatif des Français d’outre-mer) ont signé ensemble mardi 6 mai 2014 un mémorandum «pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme et pour étendre la diffusion de la mémoire de la Shoah et de l’esclavage». Concrètement, les deux organisations s’engagent à soutenir un projet de Mémorial sur l’esclavage en région parisienne, en coopération avec le Mémorial de la Shoah.
«Certains surfent sur la mémoire de l’esclavage pour prétendre qu’il y a une guerre des mémoires, laissant entendre que le CRIF, en défendant la mémoire de la Shoah, entretient cette concurrence mémorielle en refusant la mémoire de l’esclavage. Cette idée se répand depuis quelques années dans une partie des descendants d’esclaves, d’autant plus qu’elle est portée par des gens comme Dieudonné», explique Patrick Karam, le Président du Crefom. «C’est le même combat», enchaîne le Président du CRIF, Roger Cukierman. «Nous partageons le sentiment commun d’avoir souffert. Si nous considérons la Shoah comme un phénomène unique, nous ne devons pas nous désintéresser des autres grands drames de l’histoire humaine», explique-t-il, rappelant que le Mémorial de la Shoah avait récemment travaillé sur le génocide des Tutsis au Rwanda.
Message Au Front National
Mais le Mémorandum, très symbolique, se veut aussi un message à l’adresse du Front national, et plus particulièrement du Maire FN de Villers-Cotterêts qui vient d’annoncer qu’il allait refuser de célébrer la commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage du 10 mai prochain, brandissant «le refus de l’autoculpabilisation permanente». «Il y a un climat malsain qui se développe en France», regrette Roger Cukierman.