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Publié le 4 janvier dans Le Monde
Arman Abdolali a été pendu le 24 novembre 2021 sans que ses parents aient pu lui dire au revoir. L’exécution du jeune Iranien a créé une vague d’indignation parmi les organisations de défense des droits humains, mais aussi sur les réseaux sociaux, car il a été condamné à mort pour un fait survenu alors qu’il n’avait que 17 ans. L’homme en avait 25 au moment de sa mort. La République islamique d’Iran a l’un des taux les plus élevés au monde d’exécutions de personnes mineures au moment des faits qui leur sont reprochés.
« La communauté internationale ne devrait pas tolérer la torture et l’exécution d’enfants délinquants en Iran », a dénoncé Mahmoud Amiry-Moghaddam, le directeur de Droits de l’homme d’Iran, une organisation non gouvernementale (ONG) basée à Oslo. Selon Amnesty International, l’enquête policière dans l’affaire d’Arman Abdolali était « incomplète et défectueuse », son procès « extrêmement inéquitable ». L’adolescent avait été accusé d’avoir tué sa petite amie en 2012. Il avait pourtant déclaré devant le juge avoir été torturé et battu pendant sa détention en isolement (soixante-seize jours) dans le but de lui faire avouer le crime. Le tribunal a néanmoins cité ces aveux comme preuves pour le condamner, explique Amnesty International dans son communiqué.
Aveux sous la torture
Le 17 novembre, l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) a condamné dans une résolution les violations des droits humains en Iran. Le rapport de l’ONU évoque sept exécutions récentes de personnes mineures au moment du crime qui leur a été imputé. Ces dernières avaient fait des aveux sous la contrainte et la torture. Dans sa résolution, l’ONU exprime également son inquiétude face à la « fréquence alarmante de la peine de mort », au « recours généralisé et systématique aux arrestations et détentions arbitraires » et aux « intimidations et persécutions, y compris enlèvements, arrestations et exécutions d’opposants politiques et de défenseurs des droits humains ».
L’arrivée au pouvoir du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi, en juin, a renforcé le poids des durs dans l’équilibre des pouvoirs en Iran. Désormais, les trois piliers – judiciaire, législatif et exécutif – sont aux mains des conservateurs et s’alignent sur la ligne prônée par le Guide suprême, Ali Khamenei. L’élection du nouveau chef de l’Etat iranien, qui a joué un rôle-clé dans l’exécution des milliers de prisonniers politiques en 1988, ne laissait guère d’espoir d’amélioration en matière de droits humains dans le pays.
« Les exécutions, les condamnations à des peines de prison et à des coups de fouet de ceux qui critiquent la République islamique d’Iran se sont multipliées », explique au Monde l’avocat iranien spécialiste des droits humains Saeed Dehghan. Selon le rapport annuel de l’organisation Droits de l’homme d’Iran, les condamnations à des peines de prison de militantes féministes, d’étudiants et d’ouvriers ont augmenté de plus de 50 % en 2021.
Chasse aux militants de la société civile
Les arrestations, en août 2021, des avocats Mostafa Nili et Arash Keykhosravi et du blogueur et journaliste politique Mehdi Mahmoudian sont emblématiques de cette chasse aux militants de la société civile. Tous trois avaient évoqué ouvertement leur intention de porter plainte contre les dirigeants iraniens, dont le Guide suprême, pour leur gestion de la pandémie de Covid-19.
Ali Khamenei, la plus haute autorité du pays, avait décrété, en janvier 2021, l’interdiction des vaccins fabriqués au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, retardant de plusieurs mois la vaccination massive de la population. Or, depuis l’élection d’Ebrahim Raïssi, les importations de vaccins et la vaccination de masse se sont considérablement améliorées. Les Iraniens sont nombreux à se demander si les conservateurs n’ont pas délibérément entravé l’importation de vaccins pendant le mandat de l’ancien président Hassan Rohani, plus modéré, en raison des luttes internes.
Mehdi Mahmoudian, Mostafa Nili et Arash Keykhosravi sont accusés de « propagande » contre l’Etat et de « formation d’une organisation ennemie en vue de porter atteinte à l’ordre public », en référence à leur groupe de défense des droits humains, l’Association de protection des droits des citoyens de Téhéran. Ils encourent jusqu’à dix ans de prison.
Contestataires placés à l’isolement
Une autre figure de la société civile iranienne, aujourd’hui emprisonnée, est la célèbre militante des droits humains Nargues Mohammadi. Depuis son arrestation, le 16 novembre, elle est placée à l’isolement. Lors d’un appel téléphonique à sa famille, le 28 décembre, l’Iranienne a expliqué être constamment interrogée et accusée d’espionnage pour l’Arabie saoudite. La raison : la Norvège avait proposé son nom pour le prix Nobel de la paix, avec celui d’une militante des droits des femmes, la Saoudienne Loujain Al-Hathloul.
Nargues Mohammadi a été arrêtée à l’occasion du deuxième anniversaire des manifestations de novembre 2019, lorsque la hausse des prix à la pompe a poussé des Iraniens dans la rue. Leur contestation avait été réprimée avec une violence inouïe, alors qu’Internet était coupé dans tout le pays, pendant une dizaine de jours. Avant cet anniversaire, des familles de victimes avaient multiplié les déclarations sur les réseaux sociaux dénonçant la répression des dirigeants iraniens. Nargues Mohammadi était une figure centrale de cette constatation.