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Publié le 27 Juin 2024

L'entretien du Crif : Xavier Bertrand : « Voter pour une droite 100 % républicaine » car « l’avenir du pays peut basculer »

L’une des figures de la droite républicaine en France, Xavier Bertrand, ancien Ministre, Président de la région Hauts-de-France, répond à nos questions en cette période historique, où les résultats des élections législatives apparaissent particulièrement incertains. En réponse aux questions de Jean-Philippe Moinet, celui qui a battu Marine Le Pen au second tour des régionales dans sa région réaffirme « la clarté » de son « combat contre les extrêmes » : « le Rassemblement national (RN) n’est pas majoritaire dans le pays », précise-t-il, ajoutant : « celles et ceux qui ne veulent pas de sa victoire ont entre les mains le sort du pays ». Condamnant à nouveau « la trahison » de Monsieur Ciotti, Xavier Bertrand explique que sa formation « Les Républicains (LR) » peut aujourd’hui à la fois « assurer le changement de politique » et écarter pour le pays les dangers du parti lepéniste : « car l’avenir de notre pays peut basculer ».

Le Crif : La gravité de la situation politique actuelle doit appeler quelle attitude pour les citoyens ?

Xavier Bertrand : Il y a une majorité de Français en colère mais il n’y a pas une majorité de Français prêts à voter pour les extrêmes : il faut faire la part des choses. En revanche, à l’issue des élections législatives, il y a deux formes de cohabitation possible. Soit une cohabitation entre Monsieur Macron et Monsieur Bardella, soit une autre cohabitation, avec Les Républicains et les députés indépendants qui pourront imposer un changement profond de la politique menée. Une politique privilégiant le pouvoir d’achat par le travail, la sécurité, l’autorité, la lutte contre l’islamisme et la maîtrise de l’immigration. Pour cela, nous avons besoin d’un maximum de voix et de députés Les Républicains et les indépendants élus à ces élections législatives. Car en France, on a besoin d’une droite qui soit 100 % républicaine et 100 % indépendante.

 

 

« Celles et ceux qui ne veulent pas de la victoire du RN ont entre les mains le sort du pays »

 

 

Le Crif : Un sursaut républicain vous semble donc possible d’ici le second tour de ces législatives historiques, le 7 juillet ?

Xavier Bertrand : Le RN n’est pas majoritaire dans notre pays. Celles et ceux qui ne veulent pas de sa victoire ont entre les mains le sort du pays et la possibilité bien sûr de se mobiliser ou pas. On est certainement à l’un des moments les plus graves de notre histoire : l’avenir de notre pays peut basculer. À ce moment précis, nos concitoyens font face aux conséquences de la décision du Président de la République. Une décision de dissolution parmi les plus graves qui soient, dans des circonstances les plus difficiles qui soient.

Aux élections européennes, on a pu mesurer la fièvre et la colère des Français. Et le Président leur dit, « écoutez, je vais vous demander si vous êtes à nouveau en colère un mois après ». Cela n’a aucun sens. Donner la parole au peuple peut naturellement avoir du sens mais, à ce moment précis, c’était incompréhensible et cela plonge le pays dans une situation de risque majeur.

 

 

« La solution ne peut absolument pas venir des extrêmes »

 

 

Le Crif : Le sursaut républicain que vous appelez de vos vœux n’est-il pas conditionné par des désistements républicains très nombreux permettant de faire barrage au parti lepéniste le 7 juillet, au tour décisif ?

Xavier Bertrand : Avant le second tour, il y a un premier tour. Et ce que je sais c’est que plus il y aura de voix pour les députés Les Républicains (non ciottistes ralliés au RN, ndlr) et indépendants, plus on aura la garantie que nous allons changer la politique dans notre pays. C’est la première des choses. Pour le reste, j’ai toujours été clair, mon combat contre les deux extrêmes est constant. Il faut à la fois combattre non seulement La France insoumise (LFI) de Monsieur Mélenchon, les multiples dérives de Monsieur Mélenchon, dérives à relents antisémites, dérives anti-républicaines, mais il faut aussi avoir pleinement conscience qu’au-delà de l’incompétence flagrante des extrêmes, et notamment du Rassemblement National, dans un pays aussi fracturé que le nôtre, ce ne sont pas les extrêmes qui vont pouvoir apaiser et rassembler. Or, nous avons une impérieuse nécessité d’apaiser notre pays, à la fois par l’autorité et par le respect. On ne peut pas continuer à avoir des Français qui soient blocs contre blocs. Et la solution ne peut absolument pas venir des extrêmes.

 

 

« Je me bats. Il faut croire en ce que sont nos idées et nos valeurs ».

 

 

Le Crif : Votre famille politique, Les Républicains, semble déboussolée, d’un côté Monsieur Ciotti a basculé (sans prévenir personne) dans une alliance avec le parti lepéniste, de l’autre, Aurélien Pradié, une jeune figure qui était sur une ligne opposée, démissionne de ce mouvement. Y a-t-il encore un avenir pour cette formation politique, héritière du mouvement gaulliste et chiraquien, qui avait toujours combattu et endigué la montée du parti d’extrême droite ?

Xavier Bertrand : Pourquoi croyez-vous je fais campagne aussi intensément, en venant soutenir des dizaines de candidats LR et en étant présent dans les médias, à un moment, vous avez raison, où les choses ne sont pas faciles ? C’est dans ma nature : je me bats, je ne me planque pas ! La droite républicaine doit comprendre qu’elle n’a pas vocation à être l’auxiliaire d’un tel ou un tel mais qu’elle peut redevenir une formation politique centrale, capable de gagner et, pour cela, il faut croire en ce que sont nos idées et nos valeurs.

J’ai été le premier à et pour LR à demander une clarification rapide concernant la trahison de Monsieur Ciotti et à demander son exclusion, j’ai été suivi fort heureusement. Et nous devons, avec cette formation, dire fortement aux Français : « vous voulez que la politique change et vous ne voulez pas des extrêmes ? La droite républicaine est la solution. »

 

 

« Il faut surtout que le Président de la République enlève ses mains du volant »

 

 

Le Crif : Si le RN n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, appelez-vous de vos vœux un schéma de coalition, un peu à l’allemande, réunissant des groupes parlementaires de l’arc républicain ?

Xavier Bertrand : Il faut surtout que le Président de la République enlève ses mains du volant. Voilà ce que les Français veulent. Ce n’est pas difficile ensuite de savoir ce que veulent les Français, ils veulent des services publics efficaces et des actions efficaces, pour la santé, l’école, le logement, les transports, que la valeur travail soit pleinement reconnue et, surtout, ils veulent de l’autorité, du respect et que soit mis un terme à l’impunité. La lutte contre l’islamisme aussi ne doit pas être du « en même temps » ou « de temps en temps ». Dans la guerre contre l’islamisme, contre l’insécurité, contre le contournement des règles en matière d’immigration, il est évidemment possible d’obtenir des résultats.

 

« Nous pouvons changer le cours des choses. Si nous, LR, sommes plus forts, nous pourrons assurer le changement de politique »

 

 

Le Crif : Vous trouvez que Gérald Darmanin, votre ami dans le Nord même s’il n’est plus dans votre formation politique, ne serait actif que « de temps en temps » par exemple dans la lutte contre le terrorisme islamiste ?

Xavier Bertrand : Le problème n’est pas celui d’un Ministre mais celui de la volonté du Président de la République. Sur ces sujets-là, régaliens, ce ne peut être ni le « en même temps », ni « de temps en temps ». Et si, par exemple, vous décidez de lutter contre l’antisémitisme, alors la question de la présence d’un Président de la République à la grande marche contre l’antisémitisme ne devrait pas se poser, c’est naturellement sa place. Cela aurait montré que le chef de l’État et donc tout l’État est mobilisé au maximum.

 

Le Crif : Pour la nouvelle politique que vous souhaitez, comment peut-elle se définir ? Par une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale et un nouveau contrat de gouvernement ?

Xavier Bertrand : Je ne rentrerai pas dans les considérations d’alliances et de tractations entre divers groupes, les Français veulent une nouvelle politique. Il faut réconcilier les Français avec la politique en leur disant donc que leur message a été pleinement entendu, pris en considération et qu’une nouvelle politique ira en ce sens. Ensuite, ce sera à chacun de prendre ses responsabilités. Dans le court terme, avant le premier et le deuxième tour, la seule façon d’être sûr que la politique va changer c’est qu’il y ait davantage de députés Les Républicains et indépendants.

Nous avons la ferme conviction que nous pouvons changer le cours des choses. Si nous sommes plus forts, nous pourrons assurer ce changement de politique. Une cohabitation telle que je la souhaite, ce n’est pas une coalition, c’est un schéma où les opposants républicains prennent la main, en respectant naturellement les institutions, en respectant les uns et les autres à l’Assemblée nationale, mais en mettant en œuvre une nouvelle politique.

 

Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet

 

 

- Les opinions exprimées dans les entretiens n'engagent que leurs auteurs -