Jean-Pierre Allali
Les Pharisiens dans les Évangiles et dans l’Histoire, par Mireille Hadas-Lebel (*)
Mireille Hadas-Lebel est un véritable puits de science. Notamment pour tout ce qui touche à l’Antiquité. Chacun de ses ouvrages nous apporte son lot de révélations et de précisions sur les sujets les plus divers. Avec ce nouvel ouvrage, elle braque les projecteurs sur les Pharisiens. Et, partant, sur les Sadducéens, les Esséniens, les Évangiles et, bien entendu, Jésus.
C’est l’évangéliste Matthieu, qui, mettant dans la bouche de Jésus, la phrase terrible : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites » qui a donné, en quelque sorte le coup d’envoi de l’antisémitisme chrétien. Présentés comme de faux dévots, ils furent honnis par leurs ennemis. Et c’est grâce aux écrits de Flavius Josèphe, à la littérature rabbinique et aux travaux récents d’exégèse chrétienne, que la vérité peut enfin être faite sur cette secte juive.
Dans son Autobiographie, Flavius Josèphe rappelle qu’au sein du judaïsme de Judée, on distinguait trois courants majeurs : sadducéen, pharisien et essénien. Josèphe, pour sa part, se sentait proche des Pharisiens. Plus tard, en 70, au lendemain de la destruction de Jérusalem par les Romains en 70, Yohanan Ben Zakkaï, à Yavné, perpétua en partie, dans son école, l’enseignement pharisien. On considérait alors les Pharisiens comme des quiétistes détachés de la politique. En tout état de cause, l’identité pharisienne s’est construite en opposition aux Sadducéens. Les dissensions entre les deux écoles portaient essentiellement sur l’application de la Torah, la Loi écrite. Matthieu les accusera de dévotion ostentatoire : « Ils disent et ne font pas », servant tout à la fois Dieu et Mammon. Dès lors, le Royaume des Cieux leur est fermé.
Mireille Hadas-Lebel aborde une question aussi originale qu’essentielle en se demandant : « Jésus était-il un Pharisien ? ». Après avoir écarté l’idée, pourtant fort répandue à une époque, que Jésus soit un Essénien et rappelé que « Comme tous les habitants de Nazareth, les parents de Jésus l’ont fait circoncire, lui ont enseigné la Torah, l’ont emmené à la synagogue, lui ont appris à respecter le shabbat, les fêtes et les règles alimentaires ; ils sont même allés au moins une fois avec lui en pèlerinage à Jérusalem pour la Pâque ». Jésus, d’ailleurs, dans le fameux Sermon sur la Montagne affirme qu’il n’a pas l’intention de changer un iota au texte sacré. Tout compte fait, il s’avère que Jésus, tout en les critiquant, était proche des Pharisiens chez qui il était souvent invité à partager un repas.
Finalement, les Chrétiens ne sont pas si éloignés du judaïsme. « Les Évangiles, bien qu’écrits en grec et destinés en partie aux Chrétiens de la diaspora, reflètent les principes d’interprétation juive de l’Ecriture ». Jésus, « rabbin énigmatique », ne prendra qu’après sa mort la dimension divine qui aura été la sienne.
En conclusion, « le temps est venu d’apaiser les querelles du passé ». Magnifique !!
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Albin Michel. Février 2021. 208 pages. 19,90 €.
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