Jean-Pierre Allali
Eli Cohen, le héros du Mossad, la vraie histoire de l'espion légendaire, racontée par sa fille, par Valérie Perez-Ennouchi et Sophie Cohen Ben-Dor (*)
Voici un ouvrage véritablement captivant ! Deux femmes d’exception unissent leurs efforts pour nous livrer tous les secrets de l’épopée à la fois glorieuse et tragique de l’un des espions les plus extraordinaires de l’histoire humaine, Eli Cohen. La journaliste Valérie Perez-Ennouchi et la psychanalyste Sophie Cohen Ben-Dor, aînée des trois enfants de l’espion légendaire et de son épouse Nadia, étaient faites pour se rencontrer et pour nous offrir ce beau livre, ce témoignage irremplaçable.
L’ouvrage comporte deux parties, la première étant la plus captivante et se présentant sous la forme d’une interview. On réalise combien il est difficile d’être l’enfant d’un père dont le métier est un secret d’État et qui, dès lors, est très peu présent au domicile familial ; « Nous nous sentions tous très seuls, voire même abandonnés… Nous étions les seuls enfants à vivre avec notre mère, les seuls de notre quartier. Ainsi, très tôt, j’ai compris que ma vie était singulière ».
Eli Cohen a vu le jour en 1924 dans une famille juive pauvre et nombreuse d’Alexandrie, en Égypte. Son père, Saul était, lui, originaire d’Alep, en Syrie. Les Cohen vont s’établir au Caire et, quand la famille décide de rejoindre Israël, Eli préfère demeurer au Caire pour poursuivre des études de finance et de comptabilité à l’université. Doté d’une mémoire exceptionnelle et particulièrement doué en mathématiques, il rêvait d’être commissaire aux comptes. Le conflit israélo-arabe en décidera autrement et, après la crise de Suez, il va, en bateau, quitter l’Égypte pour Israël. Il rejoindra ses sept frères et sœurs à Ramat Yossef, un centre d’accueil pour immigrés situé à Bat-Yam. C’est par l’intermédiaire de sa sœur Odette qu’Eli va rencontrer Nadia, une juive irakienne, infirmière, qu’il va épouser. Il a alors 35 ans et elle 23.
Eli Cohen ne tardera pas à être repéré et à être recruté par le Mossad. Une nouvelle vie commence. Le maigre « salaire » que le Mossad réglait mensuellement à la famille permettait à peine de subsister. « Pour ceux qui pensent que mon père a gagné beaucoup d’argent avec ses missions, la vérité est que le Mossad ne nous a rien donné ».
Après avoir été initié aux techniques de filature, appris le morse et perfectionné son arabe, Eli Cohen a lu le Coran qu’il a appris par cœur. En 1960, le voilà en Argentine où il va opérer une transformation complète en apprenant l’espagnol et en devenant un Arabe syrien né à Beyrouth et émigré en Argentine. Il se transforme alors en Kamel Amine Tabet, s’installe à Damas où il se crée une constellation d’amis et d’admirateurs dans les plus hautes sphères du pouvoir.
On imagine sans peine, les services exceptionnels qu’Eli Cohen a rendus à l’État juif. Il sera, hélas arrêté, condamné à mort et pendu en place publique le 18 mai 1965. Malgré toutes les tentatives, sa dépouille n’a jamais pu être récupérée par sa famille.
Malgré des promesses d’aide financière à Nadia Cohen et à ses enfants faites par le gouvernement israélien, il faudra attendre une décision de Menahem Begin pour obtenir gain de cause. Sophie Cohen-Ben-Dor n’hésite pas à dénoncer à ce propos l’attitude de certains dirigeants israéliens.
La deuxième partie de l’ouvrage présente un récit basé sur des documents du Mossad.
De nombreuses photographies agrémentent cet ouvrage qui mérite de figurer dans toutes les bibliothèques.
À découvrir
Jean-Pierre Allali
(*) Éditons Ramsay, janvier 2023, 192 pages, 19 €
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