Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Lectures de Jean-Pierre Allali - Bilan métaphysique après Auschwitz. Les écrivains incandescents, par Didier Durmarque

07 Avril 2021 | 97 vue(s)
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Opinion

Vouloir profiter de l'actuelle polémique pour assimiler les arrêtés anti-burkini à la Saint-Barthélemy et à la Shoah, c'est tomber dans l'indigne et le nauséabond 

A l'occasion de l'assemblée générale du Crif réunie le 29 mai 2016, j'ai prononcé mon discours de candidature.

Depuis des années, l’historien Marc Knobel a de salutaires obsessions et une puissante détermination. L’une de ses salutaires obsessions, sur laquelle il a beaucoup travaillé et mené de profondes recherches, est cette diffusion sans frontières, sans retenues et sans toujours grandes oppositions, des haines multi-formes qui s’entretiennent.

Pour comprendre cet accord entre l’Iran et les grandes puissances sous la direction stratégique des USA, il faut essayer de comprendre la nouvelle politique internationale de l’administration américaine

Eté 2014. Pendant 1 mois et 18 jours, Israël a vécu au rythme des alertes et d’une guerre qui ne dit pas son nom. Un an plus tard. Juillet 2015 : Que reste-t-il de ces jours d’angoisse ?

Le 23 juin dernier, l’Union des étudiants juifs de France a célébré son 70e anniversaire à l’Hôtel de Ville de Paris. Magie des réseaux sociaux, j’ai vécu à distance cette soirée avec enthousiasme et frustration. L’occasion pour moi de replonger dans mes années Uejf.

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

Dov Maimon rejoint les auteurs du Blog du Crif !

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

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Bilan métaphysique après Auschwitz. Les écrivains incandescents :  Robert Antelme, Piotr Rawicz, Yitzhak Katzenelson, Imre Kertész, Par Didier Durmarque (*)

 

Professeur de philosophie en Normandie, Didier Durmarque se veut un passeur de la mémoire de la Shoah. Son ouvrage « Phénoménologie de la chambre à gaz » a été récompensé, en 2019, par le Prix « Europe » de la Licra. Son nouveau livre marque une approche véritablement originale de son sujet de prédilection. À travers l’œuvre de quatre écrivains qu’il considère comme « incandescents », il nous donne à penser et à réfléchir d’une manière autre. L’incandescence, d’ailleurs, n’est pas uniforme. Incandescence du pli chez Robert Antelme, elle devient incandescence de la fureur du style chez Piotr Rawicz, incandescence froide au bord de la folie chez Yitzhak Katzenelson et, enfin, incandescence de la pensée chez Imre Kertész. Dans ce petit livre, on découvre ou on redécouvre quatre phares de la littérature de la monstruosité que fut la Shoah.

Si Auschwitz fut littéralement un « trou noir », les écrivains incandescents sont là pour nous brûler. Une brûlure qui est précisément le bilan métaphysique après Auschwitz. Un bilan qui, force est de le constater, bouscule l’idée que l’on pouvait jusqu’alors se faire de l’homme et de Dieu. Un Dieu qui, nous dit Durmarque, n’a pas répondu  au Chema Israël, « aux prières devant les chambres à gaz ou devant les immenses fosses creusées par les victimes de la Shoah par balles ». «C’est la raison pour laquelle les écrivains incandescents sont ceux qui tiennent le Verbe contre son abandon, contre l’immonde et contre l’insupportable. Les écrivains incandescents sont ceux qui font exister le langage, le logos, l’Être contre Dieu, au cœur de la destruction».

Voici, tout d’abord, Robert Antelme, auteur de « L’espèce humaine » qui osa écrire qu’ « on peut brûler les enfants sans que la nuit remue ». Quand un déporté décharné s’apprête à satisfaire un besoin élémentaire sous l’œil d’un soldat allemand, comment ne pas imaginer qu’il se dise, au fond de lui, « je pisse donc je suis ». Terrible remarque de Durmarque qui constate que « La pisse est ce qui reste de l’Être quand on n’arrive plus à exister, mais qu’on se réduit à sa pure présence au monde » C’est dire si la notion d’humanité a été brisée à Auschwitz !

On peut dire que Piotr Rawicz va encore plus loin dans l’innommable. Rawicz, qui s’est suicidé d’une balle dans la bouche,  le 21 mai 1982 à l’âge de 62 ans, nous a laissé, avec « Le sang du ciel », «un vertige himalayen, un abîme sans fond, une épreuve émotionnelle, intellectuelle, psychique, métaphysique».

Dans ce que certains pourraient appréhender comme une véritable obscénité, voire un scandale, Rawicz nous assène que, tout compte fait, « la Shoah n’est qu’une histoire de queue ». Entendez par là que la circoncision des Juifs est une alliance qui les a conduits aux fours crématoires. Bref, « Le sang du ciel » doit être considéré comme un révélateur des faux débats autour de la Shoah.

Piotr Rawicz, rappelons-le, a été, non pas en tant que Juif mais en tant qu’Ukrainien, sous le pseudonyme de Peter Heller et avec le matricule 102679,  torturé par la Gestapo, déporté à Auschwitz en 1942 puis transféré à Leitmeritz, en Bohême, en 1944.

Pour Durmarque, avec Rawicz, l’infini ou la métaphysique de la Shoah, se ramène, ni plus ni moins à une «histoire de bites».

Voici à présent, Yitzhak Katzenelson, auteur d’un « Journal du camp de Vittel » et surtout de «Le chant du peuple juif assassiné». 

Auschwitz, première et dernière lettre de l’alphabet, de A à Z. « L’œuvre de Katzenelson est prodigieuse pare qu’elle permet à l’homme de sauver le Verbe, de repenser le langage contre son abandon, contre la trahison métaphysique de Dieu ». Reclus dans le ghetto de Varsovie, militant sioniste du Dror, il travaille dans un atelier avec son fils aîné Zvi. Et c’est le drame : son épouse est déportée avec ses deux plus jeunes fils, Benjamin et Bension. Tous trois seront gazés à Treblinka. Malgré son désespoir, Katzenelson n’abandonne pas la lutte. Bien que titulaire, avec son fils, de passeports honduriens, il est écroué au camp de Vittel.

Le chant du peuple juif assassiné se compose de quinze chants. La poétique y est présentée comme «reste».

Quatrième héros incandescent de ce petit livre exceptionnel : Imre Kertèsz qui voit Auschwitz comme le prisme de la modernité, le prisme de l’existence, le prisme de Dieu. « Auschwitz est la réponse à la création divine…Dieu est Auschwitz, mais également celui qui m’a fait sortir d’Auschwitz. Et qui m’a engagé, voire obligé à rendre compte de tout cela, parce qu’il voulait entendre et apprendre ce qu’il avait fait ».

Kertész a obtenu, rappelons-le, le prix Nobel de littérature en 2002.

Une étude véritablement remarquable.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Ovadia. 2020. 146 pages. 16 €.