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Le Crif - Depuis le début du conflit en Ukraine, le Congrès juif européen s'est énormément mobilisé pour aider la population civile. Parlez-nous des principales initiatives mises en place.
Raya Kalenova - Il était effectivement très important pour le Congrès juif européen et son Président Dr Moshe Kantor de se mobiliser au plus vite afin d’aider les réfugiés fuyant l'Ukraine. Comme en tout temps de crise, les représentants de notre organe gestion de crise, SACC by EJC, se sont immédiatement mis au travail sur place aux côtés de nos communautés juives affiliées. Le CEO de SACC by EJC Ophir Revach a rappelé que cet énorme défi humanitaire est exactement le type de mission pour laquelle le SACC a été créé.
Des cellules de gestion de crises, créées dès 2014 en collaboration avec SACC dans le but de gérer les conséquences d’une éventuelle attaque terroriste, ont été activées très rapidement dans les communautés juives des pays limitrophes de l’Ukraine afin de fournir une assistance à tous les réfugiés et de faciliter leur voyage vers des lieux sûrs. La solidarité et la mobilisation dont ont fait preuve les communautés juives dans ces pays sont exemplaires et source de grande fierté.
Le Congrès juif européen a mis à leur disposition des moyens financiers ainsi que des membres de son équipe.
Le premier pays ayant reçu un nombre très important de réfugiés est la Pologne. Nos équipes se sont donc rendues sur place avec comme objectif d’aider la communauté juive de Pologne à recevoir dignement tous ceux qui avaient besoin d’aide. Ces efforts sont également menés en coopération avec les églises locales.
Nous avons d’ailleurs réuni à Varsovie tous les leaders juifs locaux afin de les aider à coordonner les opérations. Le président de la communauté juive de Varsovie, Leslaw Pizsewski, a pris cette lourde charge sur lui et a partagé son expérience avec les autres communautés locales. Je souhaite ici saluer son immense travail (il gère 3 centres de réfugiés) ainsi que son accueil chaleureux. Il met tout en œuvre pour sauver des vies et donner aux réfugiés un petit temps de répit et de sécurité.
Dans les jours qui ont suivi, le CJE a entamé la livraison de camions aux frontières slovaque et polonaise ainsi qu’à Budapest où un grand nombre de réfugiés était déjà présent. Nous pouvons bien entendu compter sur la précieuse aide logistique de nos communautés pour acheminer des produits de première nécessité, notamment de la nourriture, des médicaments et des produits sanitaires.
J’ai moi-même supervisé le premier envoi de camions quittant Bratislava aux côtés du Dr Ariel Muzicant, vice-président du CJE, et Richard Duda, président de l'ÚZŽNO. Ces camions sont réapprovisionnés en permanence et envoyés à d'autres endroits en fonction des besoins sur le terrain.
Enfin, il y a quelques jours, s’est tenue une formation à l'initiative de SACC by EJC en coopération avec Leslaw Piszewski, à laquelle a participé une délégation de dirigeants de communautés juives d'Estonie, de Lettonie et de République tchèque. Ils ont visité un camp de réfugiés et contribué à l’acheminement d’aide humanitaire procurée par le CJE à la frontière.
Nous espérons pouvoir organiser à nouveau une telle formation pour d’autres communautés.
L’objectif du CJE est, conformément à nos valeurs juives, d'aider autant de réfugiés, juifs et non-juifs que possible, dans cette situation humanitaire urgente, et de leur apporter un certain soulagement et une certaine sécurité.
Le Crif - Comment se passent les opérations de sauvetage sur place ? Comment les familles sont-elles contactées et quel est le processus de rapatriement en Europe ?
Raya Kalenova - Dans tous les centres de gestion de crise, il y a des lignes téléphoniques qui sont ouvertes 24h/24 et 7j sur 7. Dès qu’un appel est enregistré, les informations sont communiquées au responsable de la cellule. Par exemple, en Pologne, c’est Leslaw Piszewski qui prend la décision adéquate pour chaque cas particulier.
Il est très difficile d’évaluer à l’avance le moment où les réfugiés vont physiquement traverser la frontière. Un contact permanent est établi avec chaque famille pendant leur voyage. S’ils arrivent la nuit, ils sont pris en charge par un réseau d’accueil qui les amène vers une maison qui se trouve au plus près de la frontière. Ils sont généralement très fatigués et ont besoin de récupérer avant de continuer leur voyage. Dès le matin, ils sont transférés vers un des centres de réfugiés, des hôtels ou même des maisons appartenant à des particuliers. Les réfugiés juifs qui ont besoin de repas cacher sont dirigés vers les lieux qui sont prévus à cet effet.
La très grande majorité de réfugiés juifs veut partir en Israël. Ils sont dès lors mis en contact avec l’Agence juive et reçoivent l’assistance nécessaire jusqu’au moment de leur départ.
Ceux qui ont une destination précise en tête reçoivent un soutien logistique pour y arriver. Nous gérons un groupe WhatsApp où les dirigeants des communautés partagent leurs capacités d’accueil afin qu’on puisse organiser le transfert des réfugiés.
D’autres sont plus indécis et attendent de voir comment la situation évolue. Les familles sont séparées et beaucoup préfèrent attendre d’être réunis avant de continuer leur voyage. Ceux qui arrivent à la frontière roumaine ont une possibilité de directement prendre un avion car l’aéroport est très proche. C’est également valable pour ceux qui ont un plan défini et savent à l’avance où ils veulent aller.
Le Crif - Au-delà de l'action du Congrès juif européen, les communautés juives européennes se sont aussi organisées pour venir en aide à la population juive ukrainienne. Avez-vous quelques exemples à nous partager ?
Raya Kalenova - Bien entendu.
C’est difficile de ne pas parler de tous les accueils organisés par nos affiliés dans les pays limitrophes de l’Ukraine, tant ils sont tous extraordinaires et chacun réalisé en fonction des moyens disponibles.
J’ai eu la chance de visiter la communauté juive d’Autriche (IKG) au moment où les premiers réfugiés ukrainiens sont arrivés sur place.
Le président de l’IKG Oskar Deutsch et toute son équipe ont organisé un accueil extrêmement digne et chaleureux aux réfugiés. Un logement et des produits de première nécessité ont été procurés dans trois hôtels, ainsi que l'accès à des médecins et des psychologues. Des repas casher sont également offerts. Il ne faut pas oublier qu’une grande partie des réfugiés juifs venant d’Ukraine sont religieux et qu’ils ont des besoins spécifiques. En outre, deux classes de langue russe et un jardin d'enfants ont été ouverts pour les jeunes enfants, ainsi que des programmes culturels pour remonter un peu le moral des réfugiés.
Par ailleurs, la communauté juive de Roumanie en collaboration avec SACC a organisé une magnifique fête de Pourim pour les enfants qui venaient d’arriver d’Ukraine. Ils ont tenté de redonner un peu de joie et de gaieté à ces petits.
La communauté juive de Slovaquie (UZZNO) fait également un travail formidable. Un hôtel entier est mis à disposition des réfugiés avec un chef venu d’Israel pour leur préparer des repas cacher. Certains partent et d’autres restent. Il y a encore beaucoup de places disponibles.
En Hongrie, notre affilié, le Mazsihisz reçoit un très grand nombre de réfugiés et tout un programme est mis en place pour pouvoir s’occuper d’eux aussi longtemps que nécessaire.
Je ne peux pas citer tout le monde mais dans chaque pays, il y a un accueil qui s’organise avec énormément de cœur et de solidarité de toute part.
Le Crif - Concrètement, qu'est-il possible de faire pour aider ?
Raya Kalenova - On peut s’inspirer du travail remarquable qui a été fait par les communautés que j’ai évoquées. Mais pour cela, on doit être prêts et recevoir des formations adéquates. Le CJE co-organise avec HIAS, ECJC et le Fonds Social Juif Unifié,une formation à Paris du 29 au 31 mars dédiée aux services d'aide sociale juifs européens, aux communautés et organisations intéressées par l'accueil des réfugiés ukrainiens.
Les participants pourront écouter les experts d’HIAS ainsi que d’autres intervenants qui expliqueront comment toute cette aide s’opère en pratique.
Par exemple, comment établir des plans d’accueil et des budgets, comment accéder aux prestations gouvernementales, comment mettre les réfugiés en contact avec des familles d’accueil, comment les aider à obtenir un logement et avoir accès aux soins de santé.
Ceci est nouveau pour beaucoup de communautés et d’organisations qui veulent apporter leur pierre à l’édifice. Il faut les guider dans cette voie.
Raya Kalenova est vice-Présidente et directrice exécutive du Congrès juif européen.
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