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Publié le 28 juin dans Le Figaro
A-t-il donné le mode d'emploi du crime ? Abdelhakim Sefrioui, notoire militant islamiste francilien, s'est vu confirmer ce lundi sa mise en examen dans l'affaire du meurtre de Samuel Paty par le Tchétchène Abdoullakh Anzorov, le 16 octobre 2020. Détenu à l'isolement depuis fin octobre, Abdelhakim Sefrioui est en effet poursuivi pour «complicité d'assassinat terroriste». Il est accusé d'avoir ciblé publiquement la victime et d'avoir «facilité la définition d'un projet criminel» par le tueur, au même titre que Brahim Chnina, un parent d'élève.
Abdelhakim Sefrioui demandait devant la chambre de l'instruction la nullité de sa garde à vue mais surtout de sa mise en examen pour «complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste», une qualification lourde. Demande rejetée ce lundi, donc. Son avocate, Me Elise Arfi, a indiqué à l'AFP qu'elle entendait former un pourvoi en cassation contre cette décision.
L'homme de 62 ans est inscrit au fichier des personnes radicalisées et fiché S. Installé en France depuis 1982, se proclamant imam, il propage en toute impunité des thèses islamistes depuis lors. L'élément clé qui incrimine Abdelhakim Sefrioui concernant l'affaire Paty est une vidéo, diffusée le 11 octobre, soit 5 jours avant le meurtre. Le professeur était dénigré, et le militant appelait à une mobilisation pour obtenir son exclusion. Il y qualifiait sans le nommer Samuel Paty de «voyou» et invitait d'autres parents à se mobiliser pour obtenir son exclusion. Le militant évoquait en outre dans sa vidéo un prétendu «appel du président de la République à haïr les musulmans», et faisait le portrait d'une France islamophobe ayant trouvé son champion en la personne d'un professeur de lycée.
Pour les juges d'instruction, cités par Libération, la complicité de Abdelhakim Sefrioui repose sur le fait de «réaliser et contribuer à la diffusion d'une vidéo (...) révélant ou relayant des renseignements d'identification et de localisation professionnelle de Samuel Paty, en utilisant l'autorité que lui conféraient ses fonctions affichées de membre du Conseil des imams de France pour susciter un sentiment de haine à l'égard de l'enseignant ainsi ciblé, en lien avec la présentation de caricatures religieuses, et faciliter ainsi la définition d'un projet criminel par l'auteur principal».
Selon des éléments divulgués par l'AFP, le père d'Abdoullakh Anzorov aurait indiqué lors d'une audition que son fils a probablement vu la vidéo, même s'il n'en a jamais parlé. L'avocate d'Abdelhakim Sefrioui, Me Elise Arfi, répondait que le tueur avait «déjà mûri» son projet criminel avant de visionner la vidéo. C'est «une question de droit fondamentale: comment peut-on être complice d'un agent qu'on ne connaît pas, qu'on n'a jamais vu, avec qui on n'a jamais communiqué ?», ajoutait l'avocate. «Des gens font des vidéos ou des films sur tous sujets: faudra-t-il incriminer leurs auteurs si un fou s'en sert pour tuer quelqu'un?», défendait-elle, précisant enfin que «ce recours n'est pas une injure à la mémoire de Samuel Paty, il s'agit de faire du droit», fait valoir l'avocate auprès de l'AFP.
Un fort impact sur l'opinion publique
Le parquet général de la cour d'appel s'est opposé à la requête d'annulation de mise en examen, car «cette vidéo avait incontestablement pour finalité de provoquer à l'encontre de M. Paty des réactions autres que de simples manifestations ou des sanctions administratives». Le ministère public en veut pour preuve qu'Abdelhakim Sefrioui a concédé devant les enquêteurs qu'«il y avait bien un danger latent» avec la vidéo. Mais pour son avocate, le document «ne contient aucun appel au meurtre de Samuel Paty ni aucun appel à commettre à son encontre un acte violent».
Dans un arrêt du 17 mai maintenant Abdelhakim Sefrioui en détention et consulté par l'AFP, la Cour d'appel avait déjà semblé prendre position sur la vidéo, qui aurait «participé au processus criminel ayant abouti à l'assassinat terroriste». L'arrêt souligne également qu'Abdelhakim Sefrioui a fait «supprimer ladite vidéo sur Youtube immédiatement après l'attaque». Interrogé par l'AFP, un magistrat se montrait toutefois sceptique, affirmant que qualifier Sefrioui de «complice» est «un débat extrêmement compliqué», dans une affaire à «l'impact dramatique sur l'opinion publique».