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Publié le 19 octobre dans Le Figaro
Une ancienne secrétaire de camp de concentration nazi âgée de 96 ans, qui avait brièvement pris la fuite le jour de l'ouverture de son procès en Allemagne avant d'être interpellée, est jugée à partir de ce mardi 19 octobre. Des mesures drastiques de sécurité ont été ordonnées par le tribunal d'Itzehoe (nord) pour permettre la présence d'Irmgard Furchner devant la Cour, où elle doit répondre de complicité de meurtre dans plus de 10 000 cas.
L'accusation lui reproche d'avoir participé par ses fonctions administratives au meurtre de détenus dans le camp de concentration de Stutthof, dans la Pologne actuelle. Agée entre 18 et 19 ans, elle y travaillait en tant que dactylographe et secrétaire du commandant du camp, Paul Werner Hoppe, entre juin 1943 et avril 1945. Dans ce camp proche de la ville de Gdansk (Dantzig à l'époque) où périrent 65.000 personnes, «des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques» ont été systématiquement assassinés, a rappelé le parquet.
Seule femme impliquée dans le nazisme à être jugée depuis des décennies en Allemagne, Irmgard Furchner, qui vit dans une résidence pour personnes âgées près de Hambourg, avait pris la fuite avant l'ouverture de son procès le 30 septembre. Un mandat d'arrêt avait été lancé contre la nonagénaire, créant la stupéfaction dans le tribunal et l'indignation de représentants des victimes de la barbarie nazie. Au terme d'une journée rocambolesque, elle avait été retrouvée et finalement placée en détention provisoire, avant d'être remise en liberté une semaine plus tard.
"Suffisamment en bonne santé pour fuir, suffisamment en bonne santé pour aller en prison!" Efraim Zuroff, le président du Centre Simon Wiesenthal
Avant l'ouverture de son procès, l'accusée avait annoncé dans une lettre adressée au président de la Cour qu'elle ne voulait pas se présenter devant ses juges. Son comportement a provoqué la consternation. «Cela montre un mépris pour les survivants et l'Etat de droit», avait déploré auprès de l'AFP Christoph Heubner, le vice-président du Comité Auschwitz. «Même si cette femme est très âgée, le tribunal n'aurait-il pas pu prendre des précautions?», avait-il aussi relevé, s'interrogeant en outre sur les complicités dont elle a pu bénéficier. «Suffisamment en bonne santé pour fuir, suffisamment en bonne santé pour aller en prison!», avait de son côté lancé sur Twitter Efraim Zuroff, le président du Centre Simon Wiesenthal qui traque les nazis encore en vie.
Jusqu'ici, les quatre anciens gardes ou employés de camps nazis condamnés depuis dix ans en Allemagne s'étaient tous assis dans le box des accusés. Un autre accusé, âgé lui de 100 ans, a depuis commencé à comparaître le 7 octobre devant le tribunal Brandebourg an der Havel (nord-est), où il clame son innocence. Plus vieil accusé de crimes nazis, cet ancien sous-officier de la division SS «Totenkopf» («Tête de mort») est poursuivi pour «complicité de meurtres» de 3.518 prisonniers lorsqu'il opérait dans le camp de concentration de Sachsenhausen, entre 1942 et 1945.
Soixante-seize ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la justice allemande continue de rechercher d'anciens criminels nazis encore en vie. Quelque 4.000 femmes ont été gardiennes dans les camps de concentration, d'après des historiens.