Études du Crif n° 66 : 7 octobre 2023 : Fracture(s)

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7 octobre 2023 : Fracture(s)  (*)

Dans l’éditorial, signé du Président du Crif Yonathan Arfi, la conclusion donne le ton et les objectifs de cette publication : « À défaut d’aider à panser les plaies du 7 octobre, nous espérons que ce numéro des Études du Crif aidera à mettre des mots sur les fractures que cette journée laisse dans l’Histoire de notre époque ».

Un entretien avec le dessinateur Joann Sfar réalisé par Myriam Levain, ouvre ce numéro. Sfar raconte que ce jour-là il fêtait son anniversaire avec des amis dont Delphine Horvilleur et Enrico Macias. Le père du Chat du Rabbin s’avoue assez pessimiste pour l’avenir des Juifs de France : « Il me semble que le peuple juif n’a jamais rien demandé d’autre que de survivre » dit-il, craignant que les gens ne rêvent, finalement, que de voir le Juifs six pieds sous terre.

Dans un article intitulé « Depuis le pogrom la mutation de la configuration juive », Bruno Karsenti et Danny Trom considèrent qu’ « après le 7 octobre, les coordonnées du monde juif ne sont plus les mêmes » et qu’une reconstruction est nécessaire afin que le monde redevienne vivable pour les Juifs. Frédérique Leichter-Flack s’intéresse, elle, à l’archivage des éléments relatifs au massacre. Elle dénombre trois sources principales d’information : le matériel vidéo tourné par les hommes mêmes du Hamas, l’ensemble des traces laissées sur les lieux du pogrom et, enfin, les témoignages des survivants et des secouristes. C’est ce qu’elle appelle la culture testimoniale. L’historien israélien Denis Charbit prend le relais en inaugurant sa contribution par une dédicace en hommage à tous ceux qui se rendent en Israël après le 7 octobre. Il évoque un « chabbat noir » et un « Hamas exterminateur » et affirme sans ambages : « En frappant des civils avec une telle frénésie, le Hamas a signé son arrêt de mort ». Quoi qu’il en soit, toute issue aura un coût politique élevé pour Israël. On pense, bien sûr, à l’inévitable question palestinienne et au jour d’après !

Voici, à présent, la philosophe Julia Christ qui, dans « Le silence du savoir » évoque l’attitude des universités et des étudiants qui semblent avoir délibérément placé Israël et les Juifs dans le camp des « dominants ». L’éditeur Julien Darmon dresse, lui, un état des lieux et des perspectives, s’attachant à répondre à la lancinante question : « Les Juifs de France ont-ils un avenir ? » Malgré le pessimisme ambiant et la difficulté des Juifs « pris entre deux extrêmes », il affirme : « Soyons fiers de nos valeurs universelles, juives et républicaines, et battons-nous pour elles là où nous pouvons agir ».

On retrouve ensuite Danny Trom, mais cette fois sous forme d’une interview réalisée par Samuel Leenhardt et Stéphane Bou. Peut-on imaginer un jour la France sans les Juifs ? Telle est la question que l’on se pose légitimement aujourd’hui. Les obstacles sont multiples : extrême droite et extrême gauche, populations issues de l’immigration soumises à la propagande antisémite des islamistes… Une chose est sûre : l’avenir est incertain.

On notera, dans les différentes interventions que les références à la notion de pogrom renvoient toujours aux massacres qui ont eu lieu, au cours des siècles, en Europe. On ne saurait oublier les centaines de pogroms qui ont eu lieu en terre d’islam, du pogrom d’Alger en 1882 au Farhoud de Bagdad en 1941 en passant par le pogrom de Constantine en 1934.

Un très bon numéro des Études. À lire sans tarder.

Jean-Pierre Allali

(*) Mai 2024, 76 pages.

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