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Dans ce livre, Henri Hajdenberg met en récit son parcours, d’abord de militant juif, puis de Président du Crif (1995-2001).
Il livre surtout des situations, en reprenant des moments de l’époque dans le contexte. En un mot, il remonte, avec brio, le fil de l’histoire.
Invité par la commission du Souvenir à évoquer notamment les actions qu’il a menées comme Président du Crif en faveur de la mémoire, il a commencé par rendre un hommage appuyé à Henry Bulawko, longtemps vice-Président du Crif, survivant d’Auschwitz et fondateur de la commission du Souvenir, ainsi qu’à Jacqueline Keller, ancienne directrice du Crif.
1995 : Henri Hajdenberg est élu Président du Crif, il a à peine 48 ans. La même année Jacques Chirac l’emporte sur Lionel Jospin et accède à la présidence de la République.
Le 4 juillet de la même année, Henri Hajdenberg, Henry Bulawko, Jacqueline Keller et l’ancien résistant et directeur du Crif, Pierre Kauffmann se rendent à l’Élysée pour une audience avec le Président de la République, Jacques Chirac.
Au cours de cet entretien, Henri Hajdenberg confie son inquiétude quant à la poussée du Front national aux élections et fait remarquer « que les jeunes générations n’ont pas conscience du danger de l’extrême droite et ne connaissent pas suffisamment le passé ». Il suggère au Président de la République de prendre la parole lors de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv qui aura lieu douze jours plus tard.
Jacques Chirac accepte et prononce le discours que l’on connaît : celui qui est entré dans l’histoire parce que pour la première fois depuis la Libération, la France reconnaissait sa responsabilité dans la déportation des Juifs. C’est sur les chapeaux de roues, dans cette accélération historique majeure et sans retour qu’a débuté la Présidence d’Henri Hajdenberg au Crif.
Dans son livre, il revient sur les circonstances, les évolutions qui ont permis cet aboutissement : les travaux de Robert Paxton, de Michaël Marrus, la persévérance exceptionnelle du couple Klarsfeld, l’affaire Papon qui éclate dans un article du Canard Enchaîné en 1981, son procès, celui de René Bousquet et bien sur celui du boucher de Lyon, Klaus Barbie. Les grands avocats qui se sont battus pour les faire condamner, Alain Jakubowicz, Michel Zaoui, Serge Klarsfeld étaient aussi membres des instances du Crif. À l’époque, le Président du Crif Théo Klein ne souhaite pas que le Crif se porte partie civile. Henri Hajdenberg, avocat lui aussi a suivi de très près ces affaires.
Poursuivons le fil de l’histoire. Septembre 1997 : l’archevêque de Paris demande à rencontrer le plus rapidement possible le Président du Crif. Accompagné de son directeur, Haïm Musicant, Henri Hajdenberg se rend donc chez Jean-Marie Lustiger. Là, le cardinal, très proche de Jean-Paul II, lui fait savoir que « l’Église de France à l’intention de procéder à une « Déclaration de Repentance » relative au silence de l’épiscopat français sous le régime de Philippe Pétain ». Cette déclaration, nous la connaissons tous, c’est celle qui fut prononcée à Drancy par Monseigneur Olivier de Béranger et remise au Président du Crif. Ce que nous sommes nombreux à ignorer c’est que Jean-Marie Lustiger comptait la prononcer lui-même… Usant d’une diplomatie digne d’un Kissinger, Henri Hajdenberg glisse au Cardinal qu’au vu de ses origines, cet acte serait commenté, contesté, la portée réduite sans doute… Lourd silence à l’archevêché… Lustiger, l’orphelin de la Shoah, Aron devenu Jean-Marie se tait. Puis, serein, il admet comprendre et accepte de ne pas la prononcer lui-même.
Après le Vél d’Hiv, la déclaration de repentance des Évêques de France : encore une accélération de l’histoire ! Bien sûr, comme pour le discours du Vél d’Hiv, elle ne surgit pas ex -nihilo : l’influence de Jules Isaac, le fondateur de l’Amitié judéo-chrétienne, Vatican II et Nostra Aetate, l’affaire du Carmel d’Auschwitz, les déplacements de Jean-Paul II à Auschwitz et à la grande synagogue de Rome ont pavé le chemin.
1997, c’est aussi l’année où le gouvernement français prend à bras le corps la question des biens spoliés aux Juifs pendant l’occupation. Au dîner du Crif, devant le Premier ministre Alain Juppé, Henri Hajdenberg déclare : « Aujourd’hui, une question reste posée, en France et dans toute l’Europe, celle de l’étendue des spoliations des biens ayant appartenus à des familles juives. Que les choses soient claires : notre revendication n’est pas pécuniaire, elle est morale, elle se situe dans une démarche saine qui consiste à penser que l’on ne peut pas faire la paix avec un passé qui demeurerait encore flou ». En réponse, le chef du gouvernement annonce son intention de « confier dans les meilleurs délais à un groupe de travail dirigé par une haute personnalité une mission portant sur l’évaluation de l’ampleur des spoliations, le sort qui a été réservé aux biens spoliés, la localisation actuelle de ces biens et leur situation juridique ».
Deux mois plus tard, il crée la mission d’études sur la spoliation sous la présidence de Jean Mattéoli, alors Président du Conseil économique et social, et ancien résistant. Autour de lui : Ady Steg et Jean Kahn, anciens Présidents du Crif et, entre autres, Serge Klarsfeld et Annette Wieviorka.
Trois ans plus tard, en 2000, Lionel Jospin annoncera lors du dîner du Crif, la création de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, dont Simone Veil fut la première Présidente.
Alors qu’il arrive à la fin de son mandat, en 2000, Henri Hajdenberg d’un trait de plume a résumé parfaitement ce qu’il a vécu : « En cinq ans, la France a démonté et remonté son Histoire ».
Lui, il n’en fut pas seulement témoin, il en fut aussi acteur.
Mais l’action est sans doute le terme qui convient le mieux au caractère d’Henri Hajdenberg.
Président du Crif, il fut aussi un fervent défenseur des Accords d’Oslo.
Lisez son livre, vous y retrouverez un jeune homme, « un sioniste de cœur » déjà très engagé aux côtés d’Israël, créateur du mouvement Renouveau Juif, instigateur des 12 heures pour Israël auxquelles se sont rendues plus de 100 000 personnes.
Henri Hajdenberg c’est aussi une autre génération… Une génération dont l’action se situait principalement sur le terrain. Aujourd’hui on milite sur le terrain mais aussi sur les réseaux sociaux… on « poste », on « like » et on « follow ».
Pour plus d'informations sur le livre d'Henri Hajdenberg, Une voix politique juive française, (2023, Éditions Hermann) cliquez ici.