Président de la Commission Souvenir du Crif
Aussi loin que ma mémoire me conduise, j’ai toujours connu Maurice Fajerman.
Liliane, sa femme, est la meilleure amie de ma mère, tandis que Maurice a travaillé comme cameraman en tandem avec mon père photographe de mariage pendant de nombreuses années.
Comment pourrais-je oublier ce jour de juin 1967 où il s’est rendu avec mon père à l’ambassade d’Israël pour s’engager comme volontaires à ce moment précis où tout le monde redoutait l’issue du conflit ?
Contrairement à la majorité des personnes que mes parents fréquentaient à cette époque, Maurice était le seul qui connaissait parfaitement Israël. Je le revois distinctement expliquer et raconter chacun des lieux où se déroulaient les combats.
Pour l’enfant que j’étais, Maurice était un conteur formidable et il l’est resté jusqu'à la fin de sa vie. Il faut dire que sa vie a été loin d’être « un long fleuve tranquille ».
Par où commencer ? Moi je retiens l’image d’un jeune adolescent avec un accent de titi parisien, un voix nasillarde et un regard rieur qui a débarqué en septembre 1948 à l’âge de 18 ans à Haïfa avec son frère Bernard âgé de 21 ans quelques semaines après la naissance de l’Etat d’Israël. Les deux frères avaient déjà vécu une vie tumultueuse pendant la période de la Guerre comme des milliers d’enfants juifs français avec des humiliations et un sentiment de peur permanent.
À leur arrivée en Israël, les deux frères étaient heureux et déterminés à servir au sein de la toute nouvelle armée israélienne pour défendre ce nouveau pays qui venait d’être envahi par les armées égyptienne, syrienne, irakienne, jordanienne et libanaise. Qu’importe que leurs parents n’aient pas donné leur autorisation. Ils étaient résolus d’autant qu’ils avaient le souvenir de leur oncle avait donné sa vie les armes à la main aux côtés Yosef Trumpeldor ! Des bus les ont emmenés au camp militaire de Tel Litvinsky. Ils ont été séparés dans des unités différentes.
Malheureusement, son frère Bernard a été tué le 17 octobre 1948 dans une bataille sur la côte 113, près de Negba, lors de l'opération Yoav. Maurice va alors être affecté à une unité de Police Militaire en vertu du principe de Tsahal de ne pas mettre dans une unité combattante le frère d’un soldat mort au combat. Ce n’est qu’en 1949, qu’il pourra verser des larmes sur la tombe de son frère au cimetière militaire de Kfar Warburg.
Après sa démobilisation, Maurice est resté en Israël pendant les premières années difficiles de l’existence d’Israël confronté à un crise économique extrêmement sévère.
Il a décidé de revenir en France en 1955 tout en gardant au fond de son cœur un amour incommensurable pour l’Etat d’Israël. Il a fait la connaissance de Liliane avec laquelle ils ont fondé un foyer heureux et harmonieux en donnant naissance à Patrick et à Sandrine.
Maurice était un vrai Self Made Man. Rien ne lui faisait peur. Il a été successivement mécanicien, cameraman vendeur de voitures, garagiste et agent immobilier. Mais on retiendra que c’était avant tout un sportif accompli qui va commencer à se mettre à pratiquer à 47 ans les Arts Martiaux, d’abord le Karaté, puis peu de temps après (en 1979) le taekwondo, au Yamatsuki club dont il va devenir président de 1982 à 1988.
Quand on rencontrait Maurice à Deauville sur les Planches, il était fier (et il pouvait l’être) de dire qu’il avait obtenu sa ceinture noire 1er dan en 1985 à l’âge de 58 ans, 2e Dan à 65 ans et 3e Dan à 71 ans.
Il est devenu membre du Comité Directeur et président de la commission juridique de taekwondo. Mais ce dont il était le plus fier c’est avant tout d’être le président du Mahal France au sein duquel il a réuni ces hommes qui avaient servi pour Tsahal à la naissance de l’Etat d’Israël.
J’ai eu l’occasion de me rendre à une réunion du Mahal France. Chacun des participants me racontait son histoire et ses anecdotes avec un détachement et la certitude qu’ils n’avaient fait que leur devoir. Ceux qui étaient alors des jeunes soldats enthousiasmés et enjoués étaient devenus des personnes âgées respectables mais ils conservaient leur humour, leur leur esprit insolent et leur sens de la répartie. Maurice avait un don de communicant hors pair. Quand il attendait dans la salle d’attente de mon cabinet, il était capable de discuter avec chacun des patients avec empathie, sympathie et humour.
Maurice nous a quittés mais il restera à jamais dans nos mémoires, dans celle de ses proches mais aussi dans la mienne.
Dans ce moment douloureux, nous pensons très fort à Liliane mais aussi à Patrick et Sandrine et à leurs enfants. Adieu Maurice.