Publié le 14 septembre 2014 dans Le Journal du Dimanche
Par Stéphane Joahny et Laurent Valdiguié -
INTERVIEW - Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, présentera lundi à l’Assemblée nationale un plan de lutte contre les filières djihadistes. Pour le JDD, il détaille son projet de loi.
Quel est l'état de la menace terroriste en France?
Nous faisons face à une menace inédite, par sa nature et par son ampleur. Le contexte a radicalement changé depuis les années 1990, où des groupes terroristes, comme le GIA, envoyaient ponctuellement des commandos sur notre territoire. Aujourd'hui, en Syrie et en Irak notamment, les groupes terroristes prétendent s'accaparer des moyens des États pour semer la terreur et la barbarie. Ils recrutent des ressortissants dans l'Union européenne par milliers, avec la volonté de les former à perpétrer des actes terroristes, y compris dans leurs pays d'origine. Ils font preuve d'une violence et d'une cruauté inouïes. La situation actuelle est grave, il faut la regarder pour ce qu'elle est et lui donner une réponse d'ampleur. Face à ce phénomène inédit, notre riposte est globale : nous combattons les terroristes à l'intérieur et à l'extérieur. Aux initiatives internationales prises par le président de la République contre les tortionnaires de Daesh [EI] s'ajoute, au niveau national, notre plan de lutte contre les filières djihadistes. Le projet de loi que je présente lundi à l'Assemblée nationale est partie intégrante de ce plan. Nous prenons 100 % de précautions. Mais cela ne signifie pas le risque zéro.
Quelle est la réalité chiffrée de ce recrutement syrien?
930 ressortissants français ou étrangers résidant habituellement en France sont aujourd'hui impliqués dans le djihad en Syrie et en Irak. 350 sont sur place, dont 60 femmes. Environ 180 sont repartis de Syrie et 170 sont en transit vers la zone. 230 ont exprimé des velléités de départ. À ce total de 930 s'ajoutent 36 personnes décédées là-bas. Voilà la réalité.
Que racontent les djihadistes français de retour quand on les interroge?
Il y a différents cas de figure. Certains revendiquent ce qu'ils ont fait et se disent prêts à repartir. D'autres, détruits par la violence et toutes les exactions auxquelles ils ont assisté ou participé, expliquent, au contraire, ne plus vouloir s'engager. D'autres encore prétendent être partis dans un but humanitaire alors que nous disposons d'informations sûres prouvant qu'ils ont combattu dans les rangs djihadistes.
«Cette menace est diffuse. Et d'autant plus dangereuse.»