Journaliste-Blogueuse
Depuis la semaine dernière, les attaques mortelles perpétrées par des extrémistes juifs qui ont causé la mort d’un bébé palestinien de 18 mois et d’une jeune israélienne de 16 ans défilant à la Gay Pride de Jérusalem ont plongé le pays dans la consternation. C’est dans ce climat étrange où se battent sur la toile ceux qui condamnent sans réserve et les partisans du « oui mais » que je découvre le visage de deux israéliens que tout oppose, comme les deux faces d’une même pièce. Noa Rothman, petite-fille d’Izthak Rabin et Meir Etinger, petit fils du rabbin Meir Kahana.
« Le hasard n’existe pas c’est Dieu qui se balade incognito ». En découvrant cette semaine à la une de l’actualité le visage de Noa Rothman, petite-fille de Rabin qui entre en politique, et de Méir Ettinger, petit-fils du Rabbin Méir Kahana, premier interpellé après l'incendie criminel ayant coûté la vie à un bébé palestinien, je me dis que décidément Albert Enstein a raison. Je n’ai qu’un souvenir de Noa, petite fille d’Itzhak Rabin. Le jour de l’enterrement de son grand-père assassiné par Igal Amir, elle prend le micro. Elle dit qu’elle ne parlera pas de paix mais « juste de son grand-père ». Devant mon poste de télévision, je découvre le visage plein de larmes de cette jeune fille plus jeune que moi de quelques mois. Je me demande comme on peut grandir, se construire à l’ombre d’un tel géant. « Il faisait quoi ton grand-père ? », « il était l’artisan des accords d’Oslo et prix Nobel de la paix ».
En 1996, Meir Ettinger à 4 ans. Son grand –père, Meir Kahana a été assassiné deux ans avant sa naissance. Noa est la petite-fille d’un des pères fondateurs de l’Etat juif. Meir Ettinger est celui d’une des figures les plus controversées de la classe politique israélienne. Meir Kahana, rabbin ultra-radical d'origine américaine, fondateur de la Ligue de Défense juive aux Etats-Unis arrive en Israël en 1971. Deux ans plus tard, il crée le parti Kach, et fait son entrée à la Knesset lors des élections de 1984. Partisan du Grand Israël, favorable au transfert des palestiniens hors des frontières le parti de Kahana inquiète et pousse la Knesset à adopter un amendement interdisant aux partis raciste de se présenter aux Elections. Hors-course, il finira son mandat à la tête d’une force politique marginalisée et restreinte aux implantations sionistes religieuses les plus extrêmes.
Meir Ettinger a 23 ans. Je le découvre. De son grand-père je ne connais que le portrait qui orne parfois les drapeaux jaunes de la Ligue de Défense juive croisés au hasard des manifestations communautaires à Paris. Depuis l’annonce de son arrestation, je surfe sur le net. Je découvre un garçon au visage juvénile, le visage fin. Son sourire est présent sur toutes les photos et les vidéos que j’ai vues. Un sourire permanent, un brin forcé, ostentatoire, oserais-je dire « illuminé ». Il parle de la force du « tout puissant », il dit qu’il n’a pas peur. Que l’Eternel lui envoie la force dont il a besoin. Pour lui tous les lieux de cultes non-juifs n’ont rien à faire en Israël. Interdit d’entrée en Cisjordanie, celui qui habite Safed a été interpellé par le Shin Bet.
A l’heure où Meir Ettinger attend de savoir s’il fera fait l’objet d’une mesure de détention administrative, Noa Rothman a choisi de rentrer en politique. Avocate, elle brigue un siège au KKL pour ensuite se lancer au parti Avoda. Parcours classique, sans risque diront certains. Noa et Meir si différents et si proches. L’un a choisi la lumière de l’engagement politique, l’autre l’ombre des groupuscules qui préparent des opérations punitives. Leurs grands-pères respectifs sont morts tragiquement pour leurs idées. Si la première a gouté aux joies des après-midi familiales, Meir lui, n’a jamais connu son aïeul. Il a dû se contenter d’une icône, une légende familiale, un anti-héros national à la réputation qui sent le souffre. Quand on écoute parler Meir Ettinger, on ne peut s’empêcher de retrouver les accents du climat délétère qui précéda le meurtre d’Itzhak Rabin. Alors que Noa a réussi à s’affranchir un temps de l’héritage familial en co-signant notamment la série à succès « les enfants du Premier ministre » qui fit les beaux jours de « Hot », Meir lui ne s’est autorisé aucune incursion hors du sentier tracé par le père de sa mère.
Meir et Noa. Noa et Meir. Les deux faces d’une même pièce. Si elle est élue, Noa a promis d’apporter « une voix féminine, jeune, démocratique et fidèle au sionisme d’aujourd’hui ». Meir, de son côté, exécrerait sans doute cette formule de « sionisme d’aujourd’hui » lui l’adepte du sionisme éternel et atemporel. Je ne sais pas si Noa fera une grande carrière politique. Comment être à la hauteur en mettant ses pas dans ceux si grands d’un chef d’Etat comme l’état Rabin ? Je ne sais pas si un jour Meir renoncera à la violence et tentera de se faire élire à la Knesset pour y faire entendre sa voix.
Mes connaissances de la politique israélienne sont limitées. Je me raccroche à celles sur la nature humaine dont le panel est plus large. Pendant que Noa poursuit son chemin, je ne peux m’empêcher de m’attarder sur celui emprunté par Meir. Meir avec qui je n’ai aucune affinité, pour qui je n’ai aucune indulgence. Et derrière ce sourire énigmatique, je me dis qu’il faut se l’avouer, il existe parmi les israéliens des adeptes de la violence, apprentis sorciers du terrorisme ou terroriste tout court. Qu’ils soient une infime minorité ne change rien à l’affaire. Que leurs actes soient condamnés par le monde entier qui se tait quand les attaques palestiniennes tuent des israéliens ne doit pas éluder notre malaise. Ils sont là, parmi nous, et ont pris sans qu’on n’y prenne garde, un autre chemin.